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« En 2021, le même appétit pour nos analyses », entretien avec Gilles de Margerie, commissaire général et Cédric Audenis, commissaire général adjoint.
Comment France Stratégie a-t-elle traversé la deuxième année « Covid » ?
Gilles de Margerie : Qu’il s’agisse de nos analyses, de nos évaluations ou encore de nos événements, même dématérialisés, nous avons constaté le même appétit de la part de nos concitoyens en 2021. Comme l’année précédente, nos équipes ont fait preuve d’une remarquable capacité d’adaptation à la nouvelle donne, et leur engagement sans faille nous a permis de publier beaucoup et de continuer d’élargir les publics que touchent aussi bien nos publications que nos conférences ou nos podcasts.
Comment votre projet sur les « Soutenabilités » a-t-il évolué en 2021 ?
Cédric Audenis : Nous avons élargi le champ couvert et approfondi nos réflexions en organisant plusieurs cycles de séminaire : certains ouverts à un large public, d’autres réunissant un petit nombre d’acteurs institutionnels, d’experts, d’universitaires. Nous avons été frappés par le très grand intérêt que les uns et les autres n’ont cessé de prêter à notre démarche. En 2020, dans les premiers temps de la pandémie, la question qui revenait tout le temps était celle du monde d’après : allait-il différer du tout au tout du monde d’avant ? En 2021, l’attention s’est plutôt portée, dans l’opinion comme dans nos travaux, sur les écarts entre l’avant et l’après-Covid. Surtout, la prise de conscience de la nécessité de tenir ensemble plusieurs dimensions – environnement, justice sociale, faisabilité économique, légitimité démocratique de l’action publique à moyen et long terme – s’est renforcée. Nous avons pu ainsi rassembler un matériau très riche et formuler des propositions pour le rapport publié en 2022.
Quels autres grands projets avez-vous portés ?
Gilles de Margerie : L’année 2021 a été marquée par la publication à l’été du rapport Les grands défis économiques dont le président de la République avait confié la responsabilité à Olivier Blanchard et Jean Tirole, qui ont réuni autour d’eux une vingtaine d’autres économistes de France, d’Europe et des États-Unis. Ce rapport aborde trois grands thèmes : le changement climatique, les inégalités et l’insécurité économiques, le changement démographique. Le Premier ministre Jean Castex a demandé à France Stratégie de piloter des travaux d’approfondissement, en liaison avec les administrations concernées, afin d’instruire les recommandations et de les accompagner de mesures opérationnelles, sur trois sujets : l’économie de la transition climatique, la création d’emplois de qualité, et la politique éducative et de compétences.
Cédric Audenis : Nous avons également publié de nombreux rapports d’évaluation, dont ceux sur les réformes de la fiscalité du capital (troisième rapport), sur la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, sur la loi Pacte, sur les ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social et aux relations de travail, ou encore sur le crédit d’impôt recherche. À ces rapports se sont ajoutées deux évaluations de politiques qui venaient d’être lancées : l’une sur les mesures de soutien d’urgence à l’économie et l’autre sur la première étape d’évaluation du plan France Relance. La part des évaluations de politiques publiques dans notre activité s’établit ainsi à environ un tiers de nos travaux. Nous avons continué d’investir dans les questions de méthodes d’évaluation. Nous aspirons à être l’une des institutions de référence en la matière.
Quelles sont vos thématiques prioritaires ?
Cédric Audenis : La transition écologique, et plus particulièrement la transition climatique, est restée le premier axe de nos travaux en 2021. Elle nous a notamment conduits à commencer en 2020 un cycle de publications autour des questions de coûts d’abattement. Les travaux sont menés par un comité animé par Patrick Criqui. Il s’agit de mesurer le coût, justifié d’un point de vue socioéconomique, à engager pour éviter l’émission d’une tonne de carbone. Après une publication méthodologique, nous passons en revue des grands domaines d’application comme les transports et conclurons en 2022 avec un rapport de synthèse. Comme nous l’avions fait avec le rapport sur la valeur de l’action pour le climat, il s’agit pour nous de fournir aux décideurs publics et privés des données permettant de mettre leurs projets en perspective, dans le cadre d’une politique générale de décarbonation.
Gilles de Margerie : Une étude sur la biomasse agricole nous a conduits à une estimation plus modérée que celle qui prévalait jusqu’alors sur sa possible contribution au mix énergétique français. La dimension environnementale a également été très présente dans le rapport Pour une alimentation saine et durable que nous avons remis à l’Assemblée nationale. Nous y esquissons les voies possibles d’une convergence entre les préoccupations de santé et celles liées à l’impact des activités agricoles et agro-alimentaires sur l’environnement. Nous avons également attiré l’attention sur les risques sérieux que courait la sécurité d’approvisionnement électrique en Europe, dans un contexte de baisse rapide de la part pilotable de la production. Par ailleurs, nous avons poursuivi en 2021 les travaux ayant une dimension territoriale, en particulier sur l’impact de la crise Covid. Je souhaite en citer deux : d’abord une analyse quasi en temps réel sur la vulnérabilité des différentes zones d’emploi, qui a fait apparaître qu’elle était très différente de la carte habituelle des difficultés économiques dans notre pays. Ensuite, en réponse à une demande de Jacqueline Gourault, alors ministre de la Cohésion des territoires, une analyse sur la dynamique des villes moyennes, menant à des propositions pour en faire un pilier durable de l’aménagement du territoire.
Quels ont été les traits saillants de vos publications hors travaux d’évaluation ?
Gilles de Margerie : Nous avons continué d’approfondir notre compréhension des inégalités ; nous avons ainsi mis l’accent sur le fait que la part des dépenses pré-engagées avait sensiblement augmenté depuis vingt ans dans le budget des ménages, tirée principalement par le coût du logement, et que cela pesait particulièrement sur les ménages les plus modestes. Nous avons poursuivi nos études sur les questions de travail et d’emploi, en relançant la prospective des métiers et des qualifications, en vue de la publication Les métiers en 2030 début 2022, et en approfondissant les questions concernant les compétences, leur prise en compte
par les entreprises et leurs liens avec les métiers exercés.
Cédric Audenis : Dans le domaine économique, nous avons publié le deuxième rapport du Conseil national de productivité, que nous hébergeons. Il a traité de l’impact de la crise Covid sur la productivité et la compétitivité. Nous avons également étudié, au croisement de questions économiques, d’environnement et d’aménagement du territoire, ce qu’il convenait de faire « pour un développement durable du commerce en ligne » (en coopération avec le CGEDD et l’IGF). Cela a conduit à ce que nous soit confiée, en partenariat avec Anne-Marie Idrac et France Logistique, une concertation qui a abouti à des engagements volontaires très significatifs des professionnels du e-commerce et de la logistique. La Plateforme RSE a connu une année d’activité soutenue, avec en particulier des propositions des parties prenantes pour les rendez-vous de 2022 et une mise en perspective européenne de ces enjeux.
Quels sont vos projets pour 2022 ?
Gilles de Margerie : 2022 est une année scandée par des échéances électorales qui, du fait des périodes de réserve, ont un impact significatif sur le rythme de nos publications au premier semestre. Mais c’est aussi une année marquée par la publication en mai du rapport Soutenabilités ! Orchestrer et planifier l’action publique, qui propose des solutions permettant d’améliorer les conditions de « fabrique » des politiques publiques, et par le lancement d’un important programme de recherche sur les liens entre modélisation macroéconomique et climat, impliquant de multiples partenaires.
Cédric Audenis : Nous continuerons aussi notre activité d’évaluation des politiques publiques, avec en particulier une nouvelle étape dans l’évaluation du plan de relance, le troisième rapport d’évaluation de la loi Pacte, et le deuxième rapport d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.