Il s’agissait, selon les termes de la ministre, « d’un exercice exigeant » de dialogue avec la jeunesse. Pilotée par France Stratégie et la DARES jusqu’à sa conclusion en décembre, la concertation en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes a réuni les représentants des huit organisations patronales et syndicales ainsi que de quatre organisations de jeunesse (UNEF, FAGE, JOC, MRJC) lors de six séances de travail thématiques. Il ressort de l’exercice un diagnostic largement partagé autour de trois grands constats.
Une jeunesse hétérogène
C’est un fait, la situation des jeunes sur le marché du travail s’est dégradée. Multiplié par 3,5 en 40 ans, le taux de chômage des jeunes atteint aujourd'hui 24 %. Un trait commun à toute l’Europe mais particulièrement marqué en France où le taux d’activité des jeunes est inférieur de 4,5 points à la moyenne européenne. Attention à ne pas faire d’amalgame (statistique) pour autant ! Si leur taux d’activité est faible c’est d’abord parce que 50 % des 18-24 ans sont encore en étude. Le « vrai » point noir pour la France, ce sont les 13,8 % des 20-24 ans au chômage – un sur-chômage qui persiste encore dix ans après leur entrée sur le marché du travail – et les 15 % des 15-29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (les NEETs).
Cette précision souligne l’importance qu’il y a à parler des jeunesses au pluriel. Et c’est là le premier constat partagé par les parties prenantes. S’ils ont bien des difficultés spécifiques en commun, notamment une plus grande exposition aux crises, les jeunes sont loin de former un groupe homogène face à l’emploi. La qualification joue même un rôle encore plus déterminant que la tranche d’âge. Les jeunes les moins diplômés connaissent en l’espèce un taux de chômage trois fois supérieur à celui des diplômés de l’enseignement supérieur. Et les non-diplômés mettent en moyenne un an pour accéder à leur premier emploi en CDI, contre 3,3 mois pour les diplômés du supérieur. La spécialité du diplôme, voire sa filière d‘accès (voie scolaire versus apprentissage) joue également un rôle croissant dans la qualité de l’insertion dans l’emploi. Enfin pour les jeunes issus de l’immigration, ces difficultés se cumulent aux discriminations dans l’accès au marché de l’emploi.
Des difficultés structurelles…
Les jeunes pâtissent fortement des dysfonctionnements du marché du travail et ils sont parmi les premiers exposés aux mutations structurelles qu’a connues le marché du travail depuis 40 ans. 35 % des 15-29 ans ont un contrat temporaire (CDD, intérim, apprentissage) dont la fonction de tremplin vers l’emploi stable semble s’émousser par rapport à ce qu’ont pu connaître les générations précédentes. Par ailleurs, leurs trajectoires d’insertion dans l’emploi sont davantage marquées par des passages par le chômage. Enfin, 45 % des jeunes débutants n’ont pas été formés pour le travail qu’ils occupent, ce qui pose des problèmes d’adéquation entre l’offre de compétences et les attentes des recruteurs pour qui le diplôme reste le critère central d’embauche.
… mais aussi des freins périphériques
Au-delà de la détention des compétences de base (compréhension orale, écriture, lecture, calcul) que 10 % des jeunes ne maîtrisent pas, les freins périphériques à l’emploi, loin d’être marginaux ou secondaires, constituent pour certains jeunes de réelles barrières à l’entrée sur le marché du travail. Capacité de mobilité, maîtrise du numérique, état de santé, précarité des conditions de vie dont l’absence de logement ou de couverture sociale, sont des obstacles pour au moins 10 % des 16-29 ans. Un exemple pour l’illustrer : à diplôme égal, les jeunes ayant un permis ont un taux d’emploi supérieur à celui qui ne l’ont pas. Or, 84 % des 18-24 ans possédant le permis ont bénéficié d’un financement familial !
570 000
C’est le nombre de jeunes qui étaient accompagnés en missions locales en 2015, missions qui ont vu leur place renforcée dans l’accompagnement vers l’emploi et vers la formation des jeunes, notamment depuis 2005 avec leur inscription au sein du Service Public de l’Emploi. 70 % des jeunes non diplômés sortis du système scolaire en 2015 ont ainsi eu au moins un entretien avec une mission locale.
Plan de lutte contre le décrochage scolaire, plan « 500 000 » entrées en formation, extension de la Garantie Jeunes,… les dispositifs en faveur des jeunes ont été renforcés dans la dernière période. Ont également été déployés pour répondre aux nouveaux enjeux de l’accompagnement : le CPA (Compte personnel d’activité), la mobilisation des entreprises au sein « d’équipes emploi » dans les missions locales, la création à Pôle Emploi de « clubs intensifs de recherche d’emploi » qui misent sur le collectif dans les quartiers et d’un Emploi Store, banque de service en ligne qui permet la personnalisation des réponses via l’usage du numérique…
Si ces dispositifs visent à répondre aux besoins différenciés des jeunes, les acteurs de terrain déplorent la complexité et l’instabilité de ces dispositifs d’aide. C’est particulièrement le cas pour les emplois aidés dont bénéficiaient 27 % des jeunes en 2014 et que les petites entreprise n’utilisent pas forcément à plein ou entre lesquels des effets de concurrence peuvent être ressentis. Plus généralement, manque de visibilité et multiplication des dispositifs sont une source d’incertitude pour les employeurs et de complexité pour les publics éligibles, donc potentiellement de non-recours pour les moins bien informés d’entre eux.
L’objectif est donc atteint pour le groupe de travail qui pose, avec ce rapport, un diagnostic partagé sur les difficultés rencontrées par les jeunes dans l’accès à l’emploi. Un diagnostic nécessaire pour que les partenaires sociaux proposent de nouveaux leviers d’action adaptés.
Rapport préparé en concertation avec le groupe de travail composé des représentants de huit organisations patronales et syndicales ainsi que de quatre organisations de jeunesse
Les opinions exprimées dans ce rapport engagent leurs auteurs
et n’ont pas vocation à refléter la position du gouvernement.