Télécharger le document de travail – Une nouvelle approche
de l’inadéquation des compétences
Pour quantifier ce phénomène, la littérature économique s’appuie sur des études qualitatives qui comportent certains biais liés au fait que les individus sont interrogés sur la perception de leurs propres compétences, mais aussi de celles attendues dans la fonction exercée. Des approches quantitatives existent, qui consistent à observer les écarts de niveau de compétences par métier.
À notre sens, un écart de niveau de compétences au sein d’un métier n’est pas suffisant pour appréhender une situation d’inadéquation de compétences. Étant donné que cet écart provient d’un mauvais appariement entre l’offre et la demande de travail, une mesure de l’inadéquation doit s’appuyer sur les mécanismes intervenant dans cet appariement et non sur une simple mesure du niveau de compétences. Nous proposons d’intégrer dans la mesure le niveau de diplôme et le domaine de formation des individus, signaux essentiels du niveau de compétences d’un individu sur le marché du travail. Ceci permet d’appréhender, parmi les individus dont le niveau de compétences se distingue des autres au sein d’un métier, ceux dont le profil de formation peut expliquer ce positionnement.
Nous préférons parler d’« incohérence apparente de compétences » pour désigner la situation d’individus dont le niveau de compétences se distingue de manière remarquable des autres. En effet, cette incohérence ne reflète pas forcément, à notre sens, un positionnement inadapté sur le marché du travail, mais peut révéler des performances particulières, qu’elles soient faibles ou au contraire élevées. Notre étude s’appuie sur les données de compétences de base en littératie et en numératie de l’enquête PIAAC (Évaluation des compétences des adultes) menée par l’OCDE en 2012, seule enquête internationale traitant des compétences des adultes.
Parmi les personnes en emploi dans les métiers observés, 29 % des individus présentent une incohérence apparente de compétences au sein de leur métier. Celle-ci survient dans des métiers qualifiés comme non qualifiés. La situation de la France est proche de celle observée chez ses voisins européens en termes de structure de l’incohérence de compétences. Néanmoins, par métier, la France se distingue par un niveau de compétences générales de base des personnes en emploi relativement plus faible que dans les autres pays européens.
Parmi les 29 % d’individus en apparente incohérence de compétences dans leur métier, 11 % des personnes en emploi dans les métiers observés présentent une apparente incohérence de compétences par rapport au proxy de leur métier, mais pas par rapport à leur profil de formation. Pour ces individus, cette incohérence apparente de compétences peut potentiellement révéler un positionnement inadapté sur le marché du travail, c’est-à-dire une inadéquation de compétences. Il serait alors préférable d’exercer un métier plus en ligne avec leur niveau de compétences ou avoir recours à davantage de formation pour corriger cette incohérence apparente de compétences. Cette incohérence peut toutefois également révéler une diversité des profils de formation au sein du métier.
Dans les métiers observés, 18 % des personnes en emploi présentent une incohérence au sein de leur métier et par rapport à leur profil de formation, principalement par un niveau inférieur au proxy de leur métier et profil de formation. Parmi ces individus, certains ont un positionnement inadapté sur le marché du travail eu égard à leur niveau de compétences. Pour d’autres, plus qu’un phénomène d’inadéquation, l’incohérence relève davantage de leurs performances individuelles particulières, qu’elles soient faibles ou élevées. Nous pouvons estimer à environ deux tiers la part des individus en apparente incohérence de compétences par rapport à leur métier et à leur profil de formation qui seraient en inadéquation de compétences. Cette approximation n’a pour objet que de donner un ordre de grandeur. Il serait préférable que ces individus exercent un métier dont le degré de compétences requis soit plus en phase avec leur niveau de compétences. Si un changement de position sur le marché du travail n’est pas toujours envisageable, notamment pour les plus âgés, la formation continue peut jouer un rôle important pour accroître le niveau de compétences des individus. En outre, dans les métiers où les scores médians de compétences sont les plus faibles, l’incohérence apparente de compétences pour les individus dont le score de compétences est en deçà du proxy de leur métier et profil de formation tient davantage à la faiblesse des performances individuelles qu’à un phénomène d’inadéquation de compétences et concerne particulièrement les non-diplômés. L’effort de formation continue doit se concentrer sur cette population.
Les opinions exprimées dans ces documents engagent leurs auteurs
et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement.