"En France, la pratique de la planification a précédé la théorie" (Pierre Massé)
La planification après 1945
Dans l’immédiat après-guerre, l’idée de planifier l’économie française – qui avait séduit de nombreux hommes politiques durant l’entre-deux-guerres – est devenue une nécessité afin de permettre à la France de moderniser ses structures économiques.
L’artisan de la planification en France est Jean Monnet, qui réussit à convaincre le général de Gaulle de la nécessité d’élaborer un plan pour permettre la reconstruction et la modernisation de la France. Le 3 janvier 1946 est créé le Commissariat général du Plan (voir le décret de création n° 46-2) et Jean Monnet est nommé à sa tête.
Ainsi la nomination et l’action empirique, souple et non autoritaire de Jean Monnet et de son équipe ouvrirent la phase des plans de reconstruction (1946-1961), qui avaient trois fonctions principales : la coordination, l’impulsion et l’animation[1].
Le premier Plan ou plan Monnet (1947-1953)
Le premier Plan de modernisation et d'équipement (ou plan Monnet) est resté dans la mémoire collective comme celui qui, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, a exprimé en chiffres et traduit en actions concrètes le dilemme « modernisation ou décadence » (chapitre I de la première partie du Plan).
L’analyse économique du plan Monnet était centrée sur six secteurs de base (charbon, électricité, ciment, machinisme agricole, transport et acier) et elle a été réalisée à partir des chiffres de production de 1929, 1938 et 1946.
C’est sous l’impulsion de Jean Monnet et de son équipe de collaborateurs que le Plan de modernisation et d’équipement a été élaboré à partir de ces données, en coopération avec les ministères intéressés, sur la base des travaux de dix-huit commissions de modernisation et d’équipement. Ces dernières étaient composées de chefs d’entreprise, de syndicalistes et de fonctionnaires.
Lors de la première séance du Conseil du Plan[2], le 16 mars 1946, le commissaire général présente à ses membres un premier rapport qui sert de base au travail des commissions. Le 27 novembre 1946, le Conseil du Plan est réuni une deuxième fois pour examiner le Rapport général du premier Plan de modernisation et d’équipement qui leur est remis par Jean Monnet. C’est au cours de la troisième et dernière session du Conseil du Plan convoqué le 7 janvier 1947 que ses membres entérinent le Rapport général et adoptent ses conclusions.
Le 14 janvier 1947, le gouvernement décide de mettre en œuvre le plan Monnet, par décret n° 47-119 (16 janvier 1947). Le Plan devait à l’origine se déployer au cours de la période 1947-1950, mais sa durée initiale a été prolongée jusqu’en 1952 pour coïncider avec le déploiement du plan Marshall en France. Le plan Marshall a contribué à la réalisation du premier Plan en finançant les investissements des secteurs de base.
Les objectifs du premier Plan
Ses principaux objectifs étaient de répondre à la situation de retard économique et de pénurie observée en France :
- assurer un relèvement rapide du niveau de vie de la population, et notamment de son alimentation ;
- moderniser et équiper les activités de base (houillères, électricité, sidérurgie, ciment, machinisme agricole et transports) ;
- moderniser l'agriculture ;
- affecter à la reconstruction le maximum de moyens, en tenant compte des besoins des activités de base et en modernisant l'industrie des matériaux de construction et celle du bâtiment et des travaux publics ;
- moderniser et développer les industries d'exportation pour assurer en 1950 l'équilibre de la balance des comptes.
La base de départ était ainsi créée pour entreprendre, au cours d’une seconde étape, la transformation des conditions de vie et notamment du logement.
Le Plan assigne à chaque secteur des objectifs chiffrés importants. Jean Monnet propose d’atteindre en 1950 un dépassement de 25 % de la production maximale atteinte en 1929, selon la progression suivante :
- fin 1947 : atteindre le niveau de 1938 ;
- milieu 1948 : atteindre le niveau de 1929 ;
- en 1950 : atteindre +25 % du niveau de 1929.
Les résultats
Par le nombre restreint d'objectifs retenus et l'unanimité autour d'eux, le premier Plan a été bien exécuté. En effet, les objectifs fixés par le Commissariat du Plan ont été atteints dans leur ensemble et la priorité accordée aux secteurs de base s'est révélée efficace[3].
Enfin, le Plan a insufflé un nouvel état d'esprit parmi les chefs d'entreprise, sans porter atteinte à l’initiative privée. La place de l’État dans le système productif, renforcée par les nationalisations de l'après-guerre et le contrôle des prix, favorise une bonne maîtrise des évolutions économiques.
Sources
Bernard Philippe J., « La planification française », dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 19ᵉ année, N. 3, 1964, p. 558-568.
Commissariat général du Plan, Rapport général sur le premier Plan de modernisation et d’équipement, novembre 1946-janvier 1947, 198 p.
Commissariat général du Plan (CGP), « Deuxième Plan de modernisation et d'équipement (1954-1957) », Journal officiel, Paris, 1956, 156 p.
Introduction à l’Inventaire des archives du premier Plan de modernisation et d’équipement, service des archives du CGP, 1980.
Introduction à l’Inventaire des archives du deuxième Plan de modernisation et d’équipement, service des archives du CGP, 1980.
Mioche P., Le plan Monnet. Genèse et élaboration (1941-1947), Paris, Publications de la Sorbonne, 1987, 324 p.
Philipponneau M., « Le premier Plan de modernisation et d'équipement de l'économie française », dans L'information géographique, volume 18, n° 1, 1954, p. 15-21
[1] Bernard Philippe J., « La planification française », dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 19ᵉ année, N. 3, 1964, p. 558-568.
[2] Le Conseil du Plan était composé de membres du gouvernement et de personnalités (politiques, hauts fonctionnaires, chefs d’entreprise) et était chargé de l’examen du Plan.
[3] « Alors qu'il y a cinq ans, toute la vie française se heurtait aux plus élémentaires carences, aucune difficulté matérielle n'entrave plus à présent un développement de notre économie » : É. Hirsch, Rapport sur la réalisation de Plan de modernisation et d'équipement de l'Union française, Commissariat général du Plan, Paris, 1953, 326 p., cité dans Philipponneau Michel, « Le premier Plan de modernisation et d'équipement de l'économie française », dans L'information géographique, volume 18, n° 1, 1954, p. 15-21.