Dans son discours d’ouverture tenu au Parlement européen en juillet 2014, le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a mis en avant 10 priorités essentielles pour son mandat. L'une d'entre elles consiste à « réformer et réorganiser la politique énergétique européenne dans le cadre d'une nouvelle Union européenne de l'énergie ». Cette Union de l'énergie marquera-t-elle le commencement d'une nouvelle approche en faveur d'une politique énergétique européenne ou s'agit-il simplement d'un changement sémantique ?
Nous soutenons dans ce rapport que la nouvelle Union de l'Energie aura besoin d'une approche radicalement nouvelle de la politique énergétique et climatique européenne. Une politique énergétique et climatique européenne devrait reposer sur un ensemble d'objectifs bien définis et sur des instruments de mise en œuvre ainsi qu’un cadre réglementaire bien articulés en vue d'atteindre ces objectifs de la façon la plus efficace possible. Le cadre politique européen actuel en matière d'énergie et de climat souffre malheureusement d'importantes lacunes à ces deux égards.
Cet article n'a pas pour vocation de fournir une liste exhaustive des enjeux de la politique énergétique et climatique européenne, ce qui nécessiterait un travail considérable, et s'appuie sur les précédents travaux réalisés pour le Commissariat général à la stratégie et à la prospective en 2013. Nous avons plutôt choisi de privilégier certains aspects stratégiques en vue de formuler une série de propositions de réforme concrètes. Cet article adopte le point de vue des praticiens, reconnaissant que la meilleure approche économique est souvent difficile à réaliser, et avance ainsi des recommandations politiques en tenant compte des contraintes politiques et institutionnelles qui caractérisent la prise de décisions en Europe.
Nous commençons par évoquer les difficultés rencontrées avec les objectifs en matière de politique énergétique et climatique de la Commission européenne (CE), puis nous proposons certaines réformes potentielles du cadre réglementaire en vue d'atteindre ces objectifs. Dans les sections 2 et 3, nous couvrons les leviers politiques de la décarbonisation et de la sécurité d'approvisionnement avant de passer en revue les changements à apporter au cadre réglementaire du marché de l'énergie. Nous concluons en étudiant la manière dont les défis financiers et de gouvernance associés à ces deux priorités politiques peuvent être surmontés.
Dans les dix priorités de la nouvelle Commission européenne, figure la volonté de donner un nouvel élan à la politique énergétique et climatique européenne: conformément aux souhaits de son président, Jean-Claude Juncker, celle-ci doit conduire à une « Union plus résiliente sur le plan de l’énergie et dotée d’une politique visionnaire en matière de changement climatique ».
Si elle doit logiquement s’inscrire dans les nouvelles orientations de la Commission et en particulier dans le plan de relance annoncé par son président, elle doit également tenir compte des événements auxquels elle peut être confrontée, en particulier de l’évolution des négociations internationales sur le climat, des variations possibles des prix des hydrocarbures et du développement de la production d’hydrocarbures non conventionnels. Elle doit enfin s’insérer dans le cadre géopolitique dans lequel évolue l’Union européenne, en particulier vis-à-vis de la Russie.
Dans cette perspective, France Stratégie a sollicité l’expertise de trois économistes européens : Marc Oliver Bettzüge, professeur d’économie, directeur général de l’Institut de l’économie de l’énergie à l’université de Cologne ; Dieter Helm, professeur de politique énergétique à l’université d’Oxford ; et Fabien Roques, professeur associé à l’université Paris-Dauphine et vice-président à Compass Lexecon. Un premier rapport paru en janvier 2014 établissait le diagnostic de la crise dans laquelle se trouve le système électrique européen.