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Point de vue
Publié le
Mardi 15 Décembre 2020
La crise sanitaire du printemps 2020 et le confinement qui en a découlé ont ravivé un débat récurrent sur l’échelle des rémunérations et l’utilité sociale des métiers. La présente étude apporte un éclairage à ce débat en répondant à une double question : quelles sont les professions exercées par les salariés rémunérés au voisinage du Smic ? Coïncident-elles avec les professions des salariés « sur le front » lors du premier confinement ?
Les professions des salariés au voisinage du Smic

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à l’épreuve de la crise sanitaire *

Les salariés au voisinage du Smic – dont la rémunération ne dépasse pas 105 % du Smic horaire – exercent majoritairement des professions peu qualifiées de services aux particuliers et aux collectivités, mais ils sont aussi présents dans d’autres domaines professionnels, comme l’hôtellerie et la restauration, le commerce ou l’agriculture. En élargissant la focale aux salariés rémunérés jusqu’à 130 % du Smic horaire – seuil généralement retenu pour approcher les emplois à bas salaires – le portrait qui se dessine confirme la surreprésentation des faibles qualifications dans le bas de la distribution, les ouvriers de l’industrie y occupant également une place importante.

À l’aune de ce portrait des salariés au voisinage du Smic, il émerge deux profils particulièrement vulnérables dans la crise sanitaire.

Confrontée directement au virus, on retrouve d’abord la figure du professionnel « sur le front », à l’instar des agents d’entretien, des caissiers, des salariés agricoles et, dans une moindre mesure, des aides-soignants qui sont fréquemment à bas salaires. En répondant à l’urgence sanitaire et aux besoins de première nécessité, ces professionnels ont vu leur travail s’intensifier et leurs conditions de travail déjà difficiles se sont détériorées (contraintes physiques, pression temporelle et charge mentale).

L’autre profil concerne les salariés au voisinage du Smic qui ont été confrontés au ralentissement voire à l’arrêt des secteurs qui les emploient. De ce point de vue, cette seconde figure du salarié au voisinage du Smic est moins confrontée au risque sanitaire qu’à celui de la perte d’emploi. C’est notamment le cas des ouvriers peu qualifiés de la construction et de l’industrie, des employés de l’hôtellerie et de la restauration ou encore des professionnels de l’action culturelle, sportive et surveillants qui mêlent vulnérabilité économique et vulnérabilité des conditions de vie (contrats à durée limitée, charges de loyer ou d’emprunt, situation de monoparentalité).

Introduction

La crise sanitaire de mars 2020 a suscité de nombreux débats en France et à l’étranger sur l’échelle des rémunérations et l’utilité sociale des métiers. Déjà soulevée au cours de la récession de 2008, cette question a été ravivée au plus fort de la crise sanitaire, lorsque le confinement a mis en lumière les professionnels dont l’activité est apparue essentielle, soit pour répondre à l’urgence sanitaire et aux besoins de première nécessité, soit pour assurer le fonctionnement des services publics. Qu’ils relèvent du secteur privé ou public, certains de ces salariés exercent des professions considérées comme peu attractives en raison de conditions de travail pénibles et d’un niveau de rémunération faible.

Les travaux sur les salaires ont surtout décrit la trajectoire professionnelle en fonction de l’évolution de la position dans la distribution – en particulier chez ceux rémunérés au voisinage du Salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic)[1] – ou analysé les différences de trajectoires salariales entre le secteur privé et le secteur public[2] et pour certaines catégories de la population, comme chez les jeunes[3]. Si ces études mettent l’accent sur les disparités sectorielles et de niveau de qualification (ouvriers, employés, cadres, etc.)[4], aucune n’aborde la question salariale au prisme de la profession exercée. À l’aune de la crise actuelle, ce constat soulève une double question : quelles professions exercent les salariés rémunérés au voisinage du Smic ? Et dans quelle mesure coïncident-elles avec les professions des salariés « sur le front » pendant le premier confinement ?

Nous tentons de répondre à cette question en proposant une analyse à partir de l’enquête Emploi de l’Insee (voir annexe méthodologique). En dépit de son caractère déclaratif (salaire et heures travaillées), cette enquête présente l’avantage de couvrir l’ensemble des salariés en France y compris le secteur agricole, l’intérim et les salariés de particuliers. On considère ici qu’un salarié est rémunéré au voisinage du Smic s’il perçoit une rémunération horaire inférieure ou égale à 105 % du Smic horaire.

L’analyse s’appuie sur une typologie des métiers en fonction de leur vulnérabilité dans la crise sanitaire, au moment du premier confinement[5]. Cette classification se fonde sur trois dimensions de la vulnérabilité des professionnels qui les exercent : leur risque économique, leurs conditions de travail et leurs conditions de vie. Si ces deux dernières composantes de la vulnérabilité des métiers relèvent de caractéristiques structurelles, le risque économique est quant à lui intimement lié à la conjoncture. Il apporte toutefois un éclairage rétrospectif sur la situation économique qui prévalait lors du confinement du printemps 2020. C’est donc au regard de cette période qu’il doit être apprécié.

1. Les salariés rémunérés au voisinage du Smic analysés selon leur profession

1.1 Selon le seuil retenu, de 13 % à 33 % des salariés seraient rémunérés au voisinage du Smic

En France, le Smic est l’étalon de référence pour mesurer le niveau de rémunération d’un salarié, spécialement dans le bas de la distribution des salaires. On considère ici qu’un salarié est rémunéré au voisinage du Smic s’il perçoit une rémunération horaire inférieure ou égale à 105 % du Smic horaire. Ce seuil a été retenu à des fins de comparabilité avec les études existantes (voir annexe méthodologique pour le détail de la construction de cette variable).

Sur le champ retenu, on estime ainsi que sur la période 2017-2019, environ 13 % des salariés sont rémunérés jusqu’à 1,05 Smic[6], soit environ 3,1 millions de personnes (tableau 1). Au seuil de 1,1 Smic, c’est un salarié sur six qui est concerné, puis cette part augmente progressivement jusqu’à atteindre un tiers des salariés au seuil de 1,3 Smic. Dans quelle mesure cette part de salariés rémunérés au voisinage du Smic[7] varie selon la profession exercée ?

Tableau 1
Part de salariés rémunérés au voisinage du Smic horaire selon le seuil retenu

 

Seuils par rapport au Smic

 

<=1,05

<=1,1

<=1,2

<=1,3

Part

13 %

17 %

25 %

33 %

Effectifs (en millions)

3,1

3,8

5,8

7,6

Champ : France entière (hors Mayotte), salariés de 18-65 ans (hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires).
Lecture : 13 % des salariés sont rémunérés jusqu’à 1,05 Smic, soit 3,1 millions de personnes.
Source : France Stratégie, à partir des Enquêtes Emploi 2017-2019 (Insee)

1.2 Des professionnels peu qualifiés de services aux particuliers et aux collectivités

Le graphique 1 illustre le quart des métiers ayant la part la plus élevée de salariés rémunérés au voisinage du Smic. Cette liste appelle à faire une distinction entre deux catégories de salariés : d’une part, ceux dont le statut autorise une rémunération inférieure au Smic horaire[8] et, d’autre part, ceux pour lesquels cette rémunération doit, à l’inverse, y être au moins égale.

Parmi ces vingt-et-un métiers, on peut relever deux catégories dont le statut les exempte d’une rémunération au Smic. Au premier rang figurent ainsi les assistantes maternelles dont la moitié sont rémunérées au voisinage du Smic. L’autre cas d’exemption légale concerne les assistants familiaux. Ces derniers sont regroupés avec les aides à domicile et les aides ménagères et ne peuvent donc pas être distingués. Néanmoins, dans cette famille professionnelle, environ deux salariés sur cinq sont rémunérés au voisinage du Smic.

Au-delà de ces cas d’exemption légale, les salariés rémunérés au voisinage du Smic exercent pour l’essentiel des métiers de services aux particuliers et aux collectivités (graphique 1). Ainsi, on trouve une part élevée chez les coiffeurs, esthéticiens (36 %), les employés de maison et personnels de ménage (35 %), les agents d’entretien[9] (27 %) et les agents de gardiennage[10] et de sécurité (20 %). Pour autant, la rémunération au voisinage du Smic n’est pas l’apanage de ces métiers. On compte également une proportion importante dans des professions variées, qu’elles relèvent de l’hôtellerie et de la restauration (employés, cuisiniers[11]), du commerce (vendeurs, caissiers et employés de libre-service), de l’agriculture, du textile et du cuir ou de la manutention. Ces salariés au voisinage du Smic ont en commun un faible niveau de qualification. Reflet de la profession, celui-ci demeure le principal gradient du niveau de salaire[12].

Ces professions rémunérées au voisinage du Smic sont plutôt exercées par des jeunes à la recherche d’une première expérience, mais on retrouve également des métiers exercés en seconde partie de carrière, très féminisés, comme ceux relevant des services à la personne ou de la propreté.

Graphique 1
Le quart des métiers ayant la part la plus élevée de salariés rémunérés jusqu’à 1,05 Smic horaire

graphique-1-point-de-vue-smic-travail-decembre.png
Type d'image: 
Libre

Note : l’analyse est menée sur la base de 83 métiers (voir annexe méthodologique). Les métiers sélectionnés sur le graphique sont ceux pour lesquels la part de salariés rémunérés jusqu’à 105 % du Smic horaire est la plus élevée. On fournit également le niveau des trois autres seuils de voisinage du Smic.
Champ : France entière (hors Mayotte), salariés de 18-65 ans (hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires).
Lecture : parmi les 418 000 assistantes maternelles, 50 % sont rémunérées jusqu’à 1,05 Smic et 72 % jusqu’à 1,3 Smic.
Source : France Stratégie, à partir des Enquêtes Emploi 2017-2019 (Insee)

1.3 Bas salaires : les ouvriers de l’industrie aussi

Certains métiers concentrent une proportion élevée de bas salaires – c’est-à-dire de salariés dont la rémunération ne dépasse pas 1,3 Smic horaire –, mais ils ne figurent pas sur le graphique 1 dans la mesure où la proportion de salariés au voisinage du Smic (1,05) y est modérée, se situant autour du niveau de l’ensemble de l’économie (graphique 2).

Si les salariés à bas salaires sont plus souvent des ouvriers exerçant dans le secteur de l’industrie (électricité et électronique, métallurgie, bois, industries graphiques), on trouve également les métiers de bouche et les secrétaires pour lesquels la moitié des salariés sont concernés (respectivement 52 % et 49 %). Compte tenu de leur poids dans l’emploi, il apparaît important de souligner que deux aides-soignants sur cinq perçoivent un salaire ne dépassant pas 130 % du Smic horaire (42 %), soit environ 310 000 personnes (graphique 3).

Graphique 2
Métiers ayant la part la plus élevée de salariés rémunérés jusqu’à 1,3 Smic horaire (et non présents sur le graphique 1)

graphique-2-point-de-vue-smic-travail-decembre.png
Type d'image: 
Libre

Note : l’analyse est menée sur la base de 83 métiers (voir annexe méthodologique). Les métiers sélectionnés sur le graphique sont ceux pour lesquels la part de salariés rémunérés jusqu’à 130 % du Smic horaire est supérieure à la moyenne (33 %) et non présents sur le graphique 1. On fournit également le niveau des trois autres seuils de voisinage du Smic.
Champ : France entière (hors Mayotte), salariés de 18-65 ans (hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires).
Lecture : parmi les 733 000 aides-soignants, 14 % sont rémunérés jusqu’à 1,05 Smic et 42 % sont rémunérés jusqu’à 1,3 Smic.
Source : France Stratégie, à partir des Enquêtes Emploi 2017-2019 (Insee)

Graphique 3
Les vingt métiers ayant l’effectif le plus élevé de salariés rémunérés jusqu’à 1,3 Smic horaire

graphique-3-point-de-vue-smic-travail-decembre.png
Type d'image: 
Libre

*Cette famille professionnelle intègre les VRP (Vendeur, Représentant et Placier) pour lesquels le Smic ne s’applique pas.
Note : l’analyse est menée sur la base de 83 métiers (voir annexe méthodologique). Les métiers sélectionnés sur le graphique sont ceux pour lesquels l’effectif de salariés rémunérés jusqu’à 130 % du Smic horaire est le plus élevé. On fournit également le niveau des trois autres seuils de voisinage du Smic.
Champ : France entière (hors Mayotte), salariés de 18-65 ans (hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires).
Lecture : parmi les 733 000 aides-soignants, 308 000 sont rémunérés jusqu’à 1,3 Smic.
Source : France Stratégie, à partir des Enquêtes Emploi 2017-2019 (Insee)

2. Une typologie des métiers dans la crise sanitaire lors du premier confinement

2.1 Comment appréhender la vulnérabilité des métiers ?

Au printemps 2020, le choc conjoncturel lié aux mesures de confinement a eu des effets économiques différenciés selon les secteurs d’activité. Un métier pouvant être exercé dans plusieurs secteurs, sa vulnérabilité a d’abord résulté de l’exposition au risque économique des activités qui l’alimentent. Cette vulnérabilité sectorielle est appréhendée à travers un indicateur tenant compte de trois caractéristiques des secteurs (i). La première tient à leur caractère prioritaire, la seconde à leur degré d’interdépendance et la troisième à leur degré de dépendance aux chaînes de valeur mondiales (voir annexe méthodologique). Au total, la vulnérabilité économique d’un métier a été construite comme le produit (i) de cet indicateur de vulnérabilité sectorielle (ii) de la proportion de professionnels étant dans l’impossibilité de travailler à domicile et (iii) d’un indicateur de fragilité du type de contrat. Cette dernière composante a été surpondérée dans la mesure où les contrats à durée limitée accroissent le risque de perte d’emploi à court terme.

Au-delà de sa dimension économique, la crise sanitaire a également été révélatrice d’inégalités de conditions de vie et de travail. La vulnérabilité des conditions de vie recouvre la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale (garde d’enfant, famille monoparentale, type d’habitat, etc.), le statut d’occupation du logement et les situations de handicap ou de perte d'autonomie. La vulnérabilité des conditions de travail renvoie quant à elle aux risques physiques ou psychologiques du métier (contrainte physique, pression temporelle, charge mentale) et à ses contraintes horaires. Elle a été d’autant plus forte que l’exercice du métier nécessite un contact avec le public, soit un risque sanitaire accru.

2.2 Les cinq visages de la crise sanitaire

Sur la base de ces trois types de vulnérabilités et de leur croisement, il se dessine une typologie en cinq groupes des métiers dans la crise sanitaire lors du premier confinement (tableau 2).

Les « vulnérables de toujours » représentent 3,5 millions de salariés. Confrontés à une forte exposition sectorielle, ces métiers qui avaient déjà souffert des suites de la crise économique de 2008 ont pâti de l’arrêt ou du ralentissement des secteurs qui les emploient (bâtiment, textile, électronique, métallurgie, bois, activité des ménages en tant qu’employeurs, etc.). Ces ouvriers, artisans ou employés peu qualifiés – traditionnellement confrontés à des conditions de vie et de travail difficiles – sont plus souvent en contrats à durée limitée que la moyenne des salariés et ont été dans l’impossibilité de travailler à domicile.

Les « nouvellement vulnérables » sont exposés à une crise inédite. L’emploi de ces 3,4 millions de salariés avait bien résisté à la crise économique de 2008, voire continûment progressé ces dernières années, mais leurs activités (hôtellerie-restauration, services aux particuliers, culture, transports, etc.) ont été ralenties, voire interdites, en raison de l’exercice même de leur métier qui les met en contact direct avec le public.

Les 8,8 millions de salariés directement ou indirectement « sur le front de la Covid-19 » relèvent d’activités qui sont apparues essentielles dans la crise (santé, éducation, agriculture, distribution, propreté, etc.). Majoritairement des femmes, ces professionnels sont peu fragilisés économiquement. Ils exercent fréquemment en horaire atypique (travail le week-end et le soir) et ont été exposés à une intensification de leur travail et au risque sanitaire par leur contact direct avec la population (clients, patients, usagers).

La catégorie des « cadres hyperconnectés » concerne 3,5 millions de salariés. Pour la plupart, ces professionnels ont pu continuer à assurer leurs responsabilités professionnelles (38 % travaillent habituellement à leur domicile) et ont été, à court terme, préservés du risque de perte d’emploi (plus de neuf sur dix sont en CDI). En revanche, en ayant assuré la continuité du travail et préparé la reprise d’activité à distance, leur charge mentale et les difficultés de conciliation avec la vie familiale se sont renforcées.

Certaines professions intermédiaires ou métiers d’employés qualifiés ne se retrouvent pas dans les quatre groupes précédents. Le plus souvent « en inactivité partielle », ces 3,8 millions de salariés majoritairement en CDI exercent des fonctions transverses ou de management intermédiaire (professions intermédiaires administratives de la fonction publique, employés et techniciens de la banque et des assurances, employés de la comptabilité, techniciens de l’informatique, secrétaires). Si leur risque de perte d’emploi a été faible ou modéré, ils travaillent moins à distance que les cadres, ce qui les a contraints à l’inactivité partielle et exposés à des risques d’éloignement de la sphère professionnelle et de désocialisation.

À l’aune de cette typologie, comment peut-on analyser la vulnérabilité des professions typiques des salariés au voisinage du Smic dans la crise sanitaire ?

Tableau 2
Principales caractéristiques des cinq classes de la typologie des métiers dans la crise sanitaire lors du premier confinement

Classe de métiers

Vulnérables de toujours

Nouvellement vulnérables

Sur le front de la Covid-19

Cadres hyperconnectés

Métiers en inactivité partielle

Ensemble

Effectifs en emploi (en millions)

3,5

3,4

8,8

3,5

3,8

23,0

Part

15 %

15 %

38 %

15 %

16 %

100 %

Score de vulnérabilité sectorielle

0,69

0,68

0,26

0,48

0,45

0,51

Part de travail habituel au domicile

3 %

7 %

18 %

38 %

13 %

16 %

Part de contrats à durée limitée*

17 %

22 %

15 %

4 %

7 %

13 %

Score de vulnérabilité économique

0,54

0,50

0,17

0,19

0,26

0,35

Conditions de vie et situation personnelle

Part de femmes

25 %

37 %

69 %

38 %

54 %

50 %

Part de travailleurs ayant une reconnaissance administrative

de handicap ou de perte d'autonomie

5 %

4 %

4 %

2 %

3 %

4 %

Part de familles monoparentales

8 %

10 %

11 %

6 %

8 %

9 %

Part d'urbains (unité urbaine de 200 000 habitants ou plus)**

31 %

43 %

40 %

63 %

42 %

43 %

Part de locataires et accédants à la propriété

73 %

77 %

72 %

68 %

68 %

72 %

Conditions de travail

Part de travail le week-end

21 %

46 %

50 %

24 %

21 %

36 %

Part de travail le soir

18 %

31 %

26 %

29 %

13 %

24 %

Intensité des risques et contraintes physiques

0,52

0,33

0,27

0,08

0,18

0,28

Intensité de la pression temporelle

0,41

0,39

0,35

0,36

0,40

0,38

Intensité de la charge mentale

0,29

0,32

0,34

0,38

0,35

0,34

Part de contact avec le public (de vive voix et en face à face)

24 %

54 %

73 %

27 %

35 %

49 %

* Hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires.
** Y compris agglomération parisienne.
Note : les scores de vulnérabilité sectorielle et économique ont été normalisés à 1. Plus les scores d'intensité des conditions de travail sont proches de 1, plus l'intensité mesurée est forte.
Champ : France entière (hors Mayotte), salariés de 18-65 ans (hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires).
Lecture : dans les métiers « sur le front » de la Covid-19, qui représentent 38 % des salariés, la proportion de femmes est de 69 %.
Sources : France Stratégie, à partir des Enquêtes Emploi 2017-2019 (Insee) et de l’enquête Conditions de travail 2013 (Dares)

3. Salariés du voisinage du Smic : quel lien avec la typologie des métiers dans la crise sanitaire lors du premier confinement ?

3.1 Les salariés au voisinage du Smic : entre risque économique et risque sanitaire 

Deux catégories de professions se distinguent par une surreprésentation de salariés au voisinage du Smic (tableau 3).

La première est celle des « nouvellement vulnérables », avec près d’un quart de salariés concernés (22 %). On retrouve dans cette classe six professions figurant sur le graphique 1, tels les coiffeurs, esthéticiens, les professionnels de l’action culturelle, sportive et surveillants, les cuisiniers et les employés et agents de maîtrise de l'hôtellerie et de la restauration. Ces derniers relèvent d’un secteur qui a été mis à l’arrêt par décision administrative lors du premier confinement, en raison de la nature de leur travail qui implique un contact direct avec le public. Près des trois quarts d’entre eux ne dépassent pas le seuil des bas salaires (1,3 Smic) (graphique 1). De ce point de vue, les mesures de soutien au revenu mises en place au début de la crise sanitaire, au premier rang desquelles l’activité partielle, ont permis de limiter la baisse de salaire des travailleurs en CDI. D’après les enquêtes Acemo-Covid de la Dares, le secteur de l’hébergement et de la restauration a été le plus mobilisateur du dispositif, avec un taux de recours qui a atteint jusqu’à quatre salariés sur cinq en mars et avril[13]. Pour autant, pour une partie des « nouvellement vulnérables », le risque de perte d’emploi a pu être accentué par leur fragilité statutaire : la part d’intérim et de CDD y est de 22 % contre 13 % pour l’ensemble des salariés (tableau 2). Elle atteint même 45 % chez les professionnels de l’action culturelle, sportive et surveillants.

Tableau 3
Part de salariés rémunérés au voisinage du Smic horaire par classe de métiers

 

Seuils par rapport au Smic

Classe de métiers

Effectifs

(en millions)

Part (dans

l’emploi)

<=1,05

<=1,1

<=1,2

<=1,3

Vulnérables de toujours

3,5

15 %

13 %

17 %

27 %

38 %

Nouvellement vulnérables

3,4

15 %

22 %

 27 %

39 %

49 %

Sur le front de la Covid-19

8,8

38 %

18 %

23 %

33 %

42 %

Cadres hyperconnectés

3,5

15 %

1 %

1 %

2 %

3 %

Inactivité partielle

3,8

16 %

6 %

7 %

13 %

20 %

Ensemble

23,0

100 %

13 %

17 %

25 %

33 %

 

Champ : France entière (hors Mayotte), salariés de 18-65 ans (hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires).
Lecture : parmi les 8,8 millions de salariés « sur le front de la Covid-19 », 18 % sont rémunérés au voisinage du Smic (jusqu’à 1,05).
Source : France Stratégie, à partir des Enquêtes Emploi 2017-2019 (Insee)

La seconde catégorie surreprésentée est celle des professionnels « sur le front », dont près d’un quart sont rémunérés au voisinage du Smic (tableau 3). Notons que ce taux global masque des disparités importantes. En particulier, deux familles de métiers se différencient. D’une part, les salariés des métiers d’aide et de soins aux personnes fragiles et de la propreté : ils sont deux fois plus au voisinage du smic (35 %) que l’ensemble des professionnels « sur le front » (18 %). Ces professionnels sont directement en lien avec la population (patients, clients, usagers). D’autre part, les salariés agricoles et du commerce alimentaire pour lesquels la proportion est d’un quart.

Au total, les salariés au voisinage du Smic sont surreprésentés au sein des deux catégories ayant été les plus exposées au risque de perte d’emploi d’un côté, et au risque sanitaire de l’autre (graphique 4).

Chez les « vulnérables de toujours », la proportion de salariés au voisinage du Smic est modérée, se situant au niveau de l’ensemble de l’économie (13 %). Notons toutefois qu’au moins un salarié sur cinq est concerné parmi les ouvriers artisanaux, les ouvriers peu qualifiés du gros et du second œuvre du bâtiment et des industries de process[14], ainsi que chez les employés de maison et personnels de ménage. À l’exception de ces derniers, ces professionnels sont davantage recrutés en intérim ou CDD que la moyenne des salariés.

Graphique 4
Vulnérabilité économique, voisinage du Smic horaire et part de contact avec le public

graphique-4-point-de-vue-smic-travail-decembre.png
Type d'image: 
Libre

Note : le score de vulnérabilité économique a été normalisé ente 0 et 1. La taille de la bulle est proportionnelle à la part de personnes se déclarant en contact avec le public (de vive voix et en face-à-face)Champ : France entière (hors Mayotte), salariés de 18-65 ans (hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires).
Lecture : les salariés « sur le front de la Covid-19 » ont un score de vulnérabilité économique de 0,17. Parmi eux, 18 % sont rémunérés au voisinage du Smic (jusqu’à 1,05) et 73 % déclarent être en contact avec le public.
Sources : France Stratégie, à partir des Enquêtes Emploi 2017-2019 (Insee) et de l’enquête Conditions de travail 2013 (Dares)

3.2 Peu de voisinage du Smic chez les cadres et professionnels en inactivité partielle

Le voisinage du Smic concerne moins les autres catégories de la typologie, en particulier les « cadres hyperconnectés » – très majoritairement en CDI – dont la vulnérabilité économique et sanitaire a été la plus faible lors du premier confinement (tableau 3 et graphique 4). Avec le diplôme et la durée de travail, la rémunération reste en effet l’une des caractéristiques distinctives des cadres par rapport aux autres groupes socioprofessionnels[15]. Notons néanmoins la spécificité d’une partie des professionnels de la communication et de l’information, comme les assistants de la communication ou les journalistes pigistes, et une partie des personnels d’études et de recherche, tels les allocataires de la recherche publique. On retrouve dans ces exemples une partie des « intellos précaires[16] ».

Au sein des métiers « en inactivité partielle », seules les secrétaires se distinguent : 16 % sont rémunérées au voisinage du Smic, soit trois fois plus qu’au sein de la catégorie. Pour ces professionnels relevant de services administratifs, le travail à domicile s’est fortement développé pendant le premier confinement, limitant ainsi la chute de l’activité[17].

Conclusion

Le premier confinement au printemps 2020 a mis en lumière la vulnérabilité des salariés au voisinage du Smic. Au cours de cette période, ils ont été exposés à un double risque, sanitaire et économique.

En ayant été mobilisés pour répondre à l’urgence sanitaire et aux besoins de première nécessité – et, partant, directement confrontés au virus –, les salariés « sur le front » ont d’abord connu un risque sanitaire accru[18]. Cette prise de conscience du rôle joué par une partie des actifs dans la réponse aux besoins primaires de la population s’est matérialisée dans les accords du Ségur de la Santé, à travers le versement de primes ou de hausses de salaires pour les personnels du système de santé[19]. Plus récemment, la ministre du Travail a lancé une mission visant à accompagner les partenaires sociaux dans la démarche de reconnaissance des travailleurs de « la deuxième ligne »[20], avec l’objectif de déterminer les critères d’identification de ces travailleurs et d’établir la liste des métiers et des branches qui pourront faire l’objet d’une valorisation.

Outre un risque sanitaire, les salariés au voisinage du Smic ont aussi été confrontés à un risque économique. Davantage exposés à la cessation sectorielle de leur activité ou dans l’impossibilité de travailler à distance, ces salariés relevant des « nouvellement vulnérables » et des « vulnérables de toujours » – à l’instar des cuisiniers et employés de l’hôtellerie et de la restauration ou des ouvriers peu qualifiés du bâtiment et de l’industrie – ont connu un risque de perte d’emploi accru en raison de leur fragilité statutaire (CDD, intérim). De ce point de vue, le confinement de l’automne 2020 n’aura pas la même incidence sur ces métiers. Si au contraire du premier confinement, les secteurs de l’industrie et de la construction ont été moins impactés et poursuivent leur activité[21], ceux de la culture ou de l’hébergement et de la restauration demeurent à l’arrêt ou fortement ralentis. On peut donc penser que dans ce second confinement, les effets de la crise sanitaire seront davantage concentrés sur les « nouvellement vulnérables ».

Cette analyse des salariés dans la crise sanitaire ne doit pas occulter la vulnérabilité vécue par d’autres actifs – moins souvent l’objet d’étude –, au premier rang desquels les petits indépendants. Qu’il relèvent du statut de micro-entrepreneur ou de formes plus classiques de non-salariat, la crise a mis en lumière de nouveaux visages de la pauvreté[22].

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Annexe : La méthodologie 

Les salariés au voisinage du Smic

La source et le champ retenu

La source mobilisée est l’enquête Emploi en continu de l’Insee sur la période 2016-2019. On se restreint aux individus en première et sixième interrogations de l’enquête, l’information sur la rémunération n’étant recueillie que pour ce sous-échantillon. Le champ retenu est celui des salariés de France (hors Mayotte) âgés de 18 à 65 ans dont le salaire de la profession principale est non nul (hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires par souci de comparabilité avec les études existantes).

Les métiers (ou professions) sont appréhendés à travers la nomenclature des Familles professionnelles (Fap-2009) de la Dares. Cette nomenclature établit une correspondance entre le Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (Rome), utilisé par Pôle emploi pour classer les offres et les demandes d’emploi, et la nomenclature des Professions et catégories socioprofessionnelles (Pcs-2003) utilisée par l’Insee dans ses enquêtes. Au niveau intermédiaire, cette nomenclature se décompose en 87 familles professionnelles. Afin d’assurer la fiabilité statistique des résultats par métier, l’analyse est réalisée en moyenne sur trois ans et pour 83 familles professionnelles (Fap). Certaines Fap ont été regroupées et celle des professionnels de la politique et clergé a été exclue.

La constitution d’un salaire horaire

On reconstitue un salaire en équivalent temps plein, ce que ne fournit pas spontanément l’enquête Emploi. En effet, les variables ayant trait au salaire et au temps de travail y sont déclaratives ce qui peut induire un biais[23]. Néanmoins, les travaux ayant mobilisé cette source ont montré que les caractéristiques des salariés au voisinage du Smic sont proches de celles mises en évidence à partir de données administratives[24]. Afin de corriger la non-réponse et les incohérences de ces variables, on s’appuie en partie sur la démarche proposée dans l’étude publiée conjointement par la DG Trésor et la Dares en 2018[25].

Pour vérifier si le salaire versé est au moins égal au Smic légal, seules certaines sommes sont prises en compte : le salaire de base, les avantages en nature et les primes liées à la productivité, etc.[26]. La variable de salaire dans l’enquête Emploi est déjà redressée de la non-réponse par l’Insee et correspond à la rémunération mensuelle nette de la profession principale[27], y compris les autres paiements (primes ou compléments) non mensualisés. L’enquête Emploi ne fournissant pas le détail des éléments de rémunération permettant de se rapprocher de l’assiette de vérification du Smic, on fait l’hypothèse que ces autres paiements appartiennent à cette assiette. On prend la même hypothèse pour les primes ou compléments mensuels (incluant un treizième mois par exemple). On augmente donc la variable de salaire redressée de ces éventuelles primes mensualisées. Au préalable, le fait de percevoir de telles primes (et leurs montants éventuels) a été redressé de la non-réponse par imputation. Le salaire renvoie donc à une acception large de la rémunération.

Le temps de travail ne peut être directement appréhendé à partir de la quotité de travail (ou taux de temps partiel) dans la mesure où cette information n’est disponible qu’en tranche. C’est pourquoi, on utilise l’information sur la durée habituelle hebdomadaire de travail[28]. Lorsqu’elle n’est pas renseignée, c’est l’information sur le temps de travail effectif au cours de la semaine de référence de l’enquête qui est mobilisée. On s’assure par ailleurs que le nombre d’heures déclaré est conforme à la législation sur le temps de travail. La durée légale (ou d’équivalence[29]) ne doit pas dépasser 48 heures par semaine (heures supplémentaires incluses). Pour les salariés à temps plein, la durée légale hebdomadaire de travail est en principe de 35 heures. Dans certaines professions, cette durée hebdomadaire peut être supérieure. Ainsi, la convention collective des assistantes maternelles agréées fixe la durée légale hebdomadaire de travail à 45 heures[30] et à 40 heures pour les salariés employés par des particuliers[31]. Pour les salariés à temps partiel, on vérifie également que le nombre d’heures déclarées (hors heures complémentaires et supplémentaires) est conforme au taux de temps partiel déclaré. Les déclarations incohérentes et la non-réponse ont été redressées par imputation.

In fine, on ramène le temps de travail sur une base mensuelle (commune à la rémunération) puis on en déduit un salaire horaire net.

On considère qu’un salarié est rémunéré au voisinage du Smic s’il perçoit une rémunération horaire inférieure ou égale à 105 % du salaire minimum horaire. On fournit également trois autres seuils : 110 %, 120 % et 130 % (qui est le seuil généralement retenu pour les emplois à « bas salaires »). Le fait de retenir plusieurs seuils permet d’appréhender la sensibilité des résultats au caractère déclaratif des variables d‘intérêt.

La typologie des métiers pendant le premier confinement

Le champ retenu

Nous nous appuyons sur la typologie des métiers dans la crise sanitaire publiée par France Stratégie lors du premier confinement[32]. Les statistiques par métier (emploi, risque économique, conditions de vie et conditions de travail) ont été recalculées afin d’être en cohérence avec le champ retenu pour l’analyse des salariés au voisinage du Smic (supra).

Trois types de vulnérabilités

La typologie des métiers se fonde sur trois types de vulnérabilités[33] :

  • La vulnérabilité économique

La vulnérabilité économique d’un métier est construite comme le produit : (i) d’un indicateur d’exposition au risque économique des secteurs d’activité qui l’alimentent (ii) de la proportion de professionnels étant dans l’impossibilité de travailler à domicile (iii) d’un indicateur de fragilité des contrats de travail, obtenu en surpondérant les CDD (hors apprentis, contrats de professionnalisation et stagiaires) et intérimaires.

L’indicateur d’exposition au risque économique (ou de vulnérabilité sectorielle)[34] tient compte de trois caractéristiques des secteurs d’activité. La première tient à leur caractère prioritaire. À la différence des secteurs soumis à fermeture par décret, ceux jugés « essentiels » n’ont pas tous été concernés par les mesures de confinement et ont pu poursuivre au moins partiellement leur activité, ce qui a préservé leur emploi. La deuxième caractéristique a trait au degré d’interdépendance des secteurs. Ceux qui fournissent les consommations intermédiaires nécessaires à la poursuite des activités prioritaires ont d’autant moins été affectés par les mesures liées au confinement. Cette demande d’approvisionnement ou de fourniture de services a permis de préserver une partie de leur emploi. Enfin, la troisième caractéristique concerne le degré de dépendance des secteurs aux chaînes de valeur mondiales. Les secteurs dépendants ont été davantage confrontés à des ruptures potentielles d’approvisionnement, ce qui a pu entamer leur capacité de production et in fine l’emploi.

  • La vulnérabilité des conditions de vie

Elle recouvre la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale (garde d’enfant, type d’habitat, famille monoparentale), la vulnérabilité financière tenant compte des charges de loyer et d’emprunt immobilier (statut d’occupation du logement), et la vulnérabilité liée aux situations de handicap ou de perte d'autonomie.

  • La vulnérabilité des conditions de travail

Elle repose sur quatre indicateurs : les horaires atypiques (soir, nuit, week-end) ; les contraintes physiques (postures pénibles, charges lourdes), l’intensité du travail liée aux contraintes de rythme (pression temporelle) ou à la charge mentale ; le contact avec le public de vive voix et en face à face.

Pour appréhender ces trois types de vulnérabilités, différentes sources ont été mobilisées : la base de données Word Input-Output Database (WIOD), la comptabilité nationale (Insee), les listes gouvernementales des secteurs soumis à fermeture ou jugés « essentiels », les enquêtes Emploi 2017-2019 (Insee) et l’enquête Conditions de travail de 2013 (Dares).


* France Stratégie, Jean Flamand. Cette étude figure en annexe du rapport 2020 du groupe d’experts sur le Smic. Cette version détaille davantage les professions rémunérées jusqu’à 130 % du Smic horaire

[1] Bernard C., Caurier M., Ananian S. et Chamkhi A. (2018), « Les trajectoires des individus payés au voisinage du Smic pendant la crise », Document d’études, n° 219, Dares, juin. ; Ananian S. et Calavrezo O. (2011), « Les trajectoires salariales des individus payés au voisinage du Smic dans le secteur privé », Économie et Statistique, n° 448-449, p. 49-78.

[2] Daussin-Benichou, J-M. et alii. (2014), « Les carrières salariales dans le public et le privé : éléments de comparaison entre 1988 et 2008 », in Emploi et salaires, coll. « Insee Références », septembre, p. 47-60.

[3] Ananian S. et Calavrezo O. (2012), « Les trajectoires salariales des jeunes entrés sur le marché du travail entre 1995 et 2002 selon leur premier salaire », Document d’études, n° 170, Dares, février.

[4] Sanchez R. (2016), « Les emplois du privé rémunérés sur la base du Smic », Dares analyses, n° 014, mars.

[5] Flamand J., Jolly C. et Rey M. (2020), « Les métiers au temps du corona », La Note d’analyse, n° 88, France Stratégie, avril.

[6] Ce taux est proche de celui estimé avec l’enquête Emploi sur la période 2005-2012 par Bernard C. et alii. (2018), op.cit. et, même si le concept n’est pas exactement le même, de la part de salariés concernés par la hausse du Smic en 2019 (13,4 %). Voir Insee (2020), « Salaire minimum de croissance » in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », juillet, p. 144-145.

[7] Sauf mention contraire, dans la suite du document, le terme « salariés au voisinage du Smic » renvoie à ceux dont la rémunération ne dépasse pas 1,05 Smic horaire.

[8] Notons le cas des salariés âgés de moins de 18 ans ayant moins de six mois de pratique professionnelle, les salariés en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage, les stagiaires, les assistantes maternelles ou aidants familiaux et les personnes handicapées en établissement et service d’aide par le travail (Esat). Le Smic ne s’applique également pas aux VRP (Vendeur, Représentant et Placier).

[9] Cette famille professionnelle comprend notamment les agents de services hospitaliers (Ash) et les ouvriers de l’assainissement et du traitement des déchets.

[10] Cette famille professionnelle comprend les concierges, gardiens d’immeubles pour lesquels les heures de travail déclarées intègrent probablement des heures d’astreintes, ce qui peut sous-estimer leur salaire horaire. Voir Picart C. (2018), « Dans quelle mesure les différentes sources statistiques permettent d’apprécier la conformité au Smic ? », in Rapport du groupe d’experts sur le Smic, Annexe n° 4, novembre, p. 148-157.

[11] Cette famille professionnelle comprend les employés polyvalents de la restauration.

[12] Aeberhardt R. et Pouget J. (2006), « Comment expliquer les disparités salariales ? », in Les salaires en France, coll. « Insee Références », septembre, p. 29-42.

[14] Elles correspondent aux industries de transformation de matières premières (agro-alimentaire, pharmacie, chimie, papeterie, etc.).

[15] Naboulet A. et Rouault J. (2020), « Quelle évolution des cadres depuis vingt ans ? Analyse portant sur la catégorie des cadres et professions intellectuelles supérieures », Document de travail, n° 2020-06, France Stratégie, juillet.

[16] Tasset C., Amossé T. et Grégoire M. (2013), Libres ou prolétarisés ? Les travailleurs intellectuels précaires en Île-de-France, Rapport de recherche, n° 82, Centre d’études de l’emploi, mars.

[18] On ne dispose pas de données sur l’ensemble des professions en France. En revanche, Santé publique France recense les cas de Covid-19 chez les professionnels en établissements de santé. On observe que depuis le début de l’épidémie, les infirmiers et les aides-soignants sont les deux professions de santé les plus touchées.

[20] Cette mission d’appui aux partenaires sociaux a été confiée à mesdames Christine Erhel (Cnam) et Sophie Moreau-Follenfant (RTE).

[22] Brunner A. et Maurin L. (dir.) (2020), Rapport sur la pauvreté en France, deuxième édition 2020-2021, Observatoire des inégalités, éditions de l’Observatoire des inégalités, novembre, 104 p. ; Secours catholique (2020), Budget des ménages. Des choix impossibles, Rapport sur l’état de la pauvreté en France, Secours catholique-Caritas France, novembre, 145 p.

[23] Pour plus de précisions sur les limites de la source, voir Picart C. (2018), « Dans quelle mesure les différentes sources statistiques permettent d’apprécier la conformité au Smic ? », in Rapport du groupe d’experts sur le Smic, Annexe n° 4, p. 148-157.

[24] Voir Bernard C., Caurier M., Ananian S. et Chamkhi A. (2018), « Les trajectoires des individus payés au voisinage du Smic pendant la crise », Document d’études, n° 219, Dares, juin et Rapport du groupe d’experts sur le Smic de 2010, chapitre 4, p. 28-37.

[25] Ibid.

[27] La question posée est : « Quelle rémunération totale mensuelle retirez-vous de votre profession principale/de votre profession ou de votre emploi/emploi principal ? »

[28] La question posée est : « En moyenne, combien d’heures travaillez-vous par semaine dans votre emploi (principal) de profession pour (nom de l’entreprise), (heures supplémentaires comprises) ? ».

[29] Certaines professions sont concernées par un régime d’équivalence qui autorise une durée de travail supérieure à la durée légale.

[32] Flamand J., Jolly C. et Rey M. (2020), « Les métiers au temps du Corona », La Note d’analyse, n° 88, France Stratégie, avril.

[33] Pour plus de détails sur leur mesure, voir l’annexe méthodologique de La Note d’analyse n° 88.

[34] La vulnérabilité sectorielle d’un métier correspond à la somme des scores d’exposition sectoriels qui emploient ce métier, pondérée par la part des secteurs dans ce métier.

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Jean Flamand
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