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Point de vue
Publié le
Jeudi 20 Octobre 2022
La France a connu en 2020 une baisse d’activité économique d’une ampleur inédite depuis la seconde guerre mondiale. Pour autant, les revenus des ménages se sont maintenus [1], du fait de l’augmentation massive des dépenses publiques, en direction des entreprises et des ménages. Certaines catégories ont évidemment subi plus que d’autres les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 : les indépendants ont par exemple subi une baisse des revenus significative, tandis que les salariés ont été épargnés en moyenne [2]. L’année 2020 a été inédite pour les détenteurs de capitaux mobiliers, impactant les revenus versés par les sociétés dont ils sont actionnaires, ainsi que la valorisation de ces dernières. Ce choc a été atténué par les mesures de soutien public aux entreprises, mais ses effets sur le revenu des actionnaires ont été encore peu étudiés.
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Téléchargez le point de vue Les gros dividendes se sont maintenus en 2020, 
les plus-values mobilières sont en repli

Consultez l'actualisation des données disponibles
du Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital

Introduction

Ce billet se concentre sur les détenteurs de capitaux mobiliers générant des revenus soumis à l’impôt sur le revenu (IR). Il vise à éclairer les travaux du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital. Ce comité, hébergé par France Stratégie, évalue l’impact des réformes de l’ISF/IFI et du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les recettes fiscales, les revenus des ménages et l’activité économique. À ce titre, il a publié des données sur le volume et la concentration des revenus du capital au gré des réformes de 2012 et 2017. Le présent billet actualise ces données pour l’année 2020.

Les dernières remontées de données de l’impôt sur le revenu permettent de se faire une idée précise de l’évolution des revenus perçus par les ménages détenteurs de capital mobilier en 2020.

1.  En 2020, le niveau et la concentration des dividendes déclarés est comparable à 2018 et 2019

En 2020, les dividendes déclarés à l’IR se sont maintenus à un niveau comparable à celui des deux années précédentes (23,6 milliards d’euros, contre 24,2 milliards en 2019 et 23,2 milliards en 2018, voir graphique 1). Les plus-values mobilières, de droit commun ou avec abattement renforcé, se sont élevées à 15 milliards d’euros en 2020, en repli de 2 milliards environ par rapport à 2018 et 2019. Enfin, les intérêts se sont élevés à 4,2 milliards d’euros, contre 4,6 milliards en moyenne les deux années précédentes, suivant la baisse tendancielle des taux d’intérêt constatée depuis plusieurs années [3]. Par rapport à 2016-2017, les dividendes sont plus élevés de 9 milliards d’euros en 2020 (+60 %) et l’ensemble des revenus du capital éligibles au PFU de 7 milliards d’euros (+21 %).

Graphique 1 – Montants des revenus du capital soumis à l’IR puis éligibles au PFU
(en milliards d’euros)

PDV - Gros dividendes - Graphique 1
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Note : les revenus du capital soumis au PFU depuis 2018 étaient taxés au barème de l’impôt sur le revenu en 2016 et 2017.

Source : calculs de l’auteur, à partir des données POTE 2017, 2018, 2019 et 2020 de la DGFiP

Comme l’ont montré les deux précédents rapports du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital [4], un petit nombre de ménages concentre la plus grande partie des volumes de revenus de capitaux mobiliers. C’est particulièrement vrai pour les plus-values mobilières – qui sont des revenus non récurrents perçus lors des ventes d’actions et de sociétés – mais c’est également le cas des dividendes déclarés à l’impôt sur le revenu, et dans une moindre mesure pour les intérêts. Par rapport à 2018 et 2019, le niveau de concentration des revenus éligibles au PFU a relativement peu évolué en 2020 (voir tableau 1).

La concentration des dividendes est très stable en 2020 par rapport aux deux années précédentes. 64 % des dividendes sont perçus par des foyers déclarant plus de 100 000 euros de dividendes en 2020, un niveau comparable à celui de 2018-2019 (63 %) et beaucoup plus élevé qu’en 2017 (44 %). Les montants de dividendes supérieurs à 1 million d’euros comptent pour 24 % du total en 2020, contre 26 % en 2018-2019, soit plus de deux fois plus qu’en 2017 (10 %). En 2020, 62 % des dividendes ont été perçus par les 0,1 % des foyers percevant le plus de dividendes (39 000 foyers) et 30 % par les 0,01 % (3 900 foyers).

On note une légère baisse de la concentration des plus-values mobilières en 2020 par rapport aux deux années précédentes. En 2020, les montants supérieurs à 1 million d’euros constituent 59 % du total des plus-values mobilières de droit commun et 54 % pour les plus-values avec abattement renforcé, contre respectivement 62 % et 61 % en 2019 [5]. La baisse des plus-values entre 2019 et 2020 s’explique essentiellement par celle des plus-values supérieures à 1 million d’euros. En 2020, les 0,01 % des foyers percevant le plus de plus-values mobilières de droit commun (3 900 foyers) concentrent 71 % du montant total. Ce chiffre s’élève à 91 % pour les plus-values avec abattement renforcé. Par rapport à 2017, la part du 0,01 % dans le total des plus-values mobilières de droit commun est en hausse, celle des plus-values avec abattement renforcé est stable.

La distribution des intérêts, beaucoup moins concentrée que celle des autres types de revenus du capital, a peu évolué depuis 2017.

Tableau 1 – Distribution des revenus de capitaux mobiliers éligibles au PFU entre 2017 et 2020 (valeurs arrondies)

PDV - Gros dividendes - Tableau 1
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Tableau 1 suite V2
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Note : les pourcentages de foyers concernés de ce tableau sont arrondis et ne permettent pas de déterminer avec précision la part des fractiles extrêmes pour chaque type de revenu.

Lecture : environ 0,01 % des foyers ont déclaré plus de 1 million d’euros de dividendes en 2020, pour un montant global de 5,7 milliards d’euros, soit 24 % du total des dividendes déclarés par l’ensemble des foyers fiscaux.

Source : calculs de l’auteur, à partir des données POTE 2017, 2018, 2019 et 2020 de la DGFiP

2.  La hausse des dividendes depuis 2018 ne semble pas liée à un phénomène de redénomination des revenus

Le dernier rapport du comité d’évaluation de la fiscalité du capital [6] démontre que la forte poussée des dividendes, constatée à partir de 2018, provient d’un surcroît de dividendes versé par les entreprises contrôlées directement par des personnes physiques. Elle est le fait d’un faible nombre de foyers fiscaux, dont les dividendes ont fortement augmenté, et ne semble pas liée à un phénomène de redénomination de revenus déjà existant. Les données de 2020 confirment ces deux derniers points. La totalité de la hausse des dividendes entre 2017 et 2020 est obtenue rien qu’avec les foyers dont les dividendes ont augmenté de 100 000 euros et plus entre ces deux dates [7]. Pour ces foyers, on ne constate pas de baisse significative des autres types de revenu au cours du temps (voir graphique 2). Les foyers fiscaux dont les dividendes ont augmenté de plus de 100 000 euros ou plus de 1 million d’euros entre 2017 et 2020 ont vu les salaires, revenus fonciers et autres revenus évoluer dans des proportions négligeables. C’était le cas en 2018 et 2019, alors que les dividendes avaient commencé à augmenter pour ces ménages, c’est toujours le cas en 2020 lors de la forte poussée de leurs dividendes. La piste de la redénomination des revenus pour expliquer la hausse des dividendes constatée entre 2017 et 2020 semble donc toujours à exclure à ce stade.

Graphique 2 – Évolution des revenus entre 2017 et 2020 des foyers
dont les dividendes ont augmenté…

PDV - Gros dividendes et plus-values - Graphique 2
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Champ : foyers fiscaux constitués des mêmes déclarants de 2017 à 2020.

Lecture : parmi les foyers fiscaux dont les dividendes ont augmenté de plus de 100 000 euros entre 2017 et 2020, les salaires ont baissé de 9 000 euros en 2018 par rapport à 2017 et de 12 000 euros en 2019 et 2020 par rapport à 2017.

Source : calculs de l’auteur, à partir des données POTE 2017, 2018, 2019 et 2020 de la DGFiP

3.  La baisse des plus-values mobilières en 2020 est concentrée au sein des 0,1 % les plus aisés

L’année 2020 a été marquée par une baisse de 6,5 % des revenus du capital éligibles au PFU par rapport à 2019, qui s’explique essentiellement par le repli de 2 milliards des plus-values mobilières (-11 %). Cette baisse s’est concentrée essentiellement chez les 0,1 % des foyers les plus aisés, soit les 39 000 foyers disposant du revenu par part fiscale le plus élevé [8] (voir graphique 2).

En moyenne, les 0,1 % des foyers les plus aisés de 2020 ont un revenu fiscal de référence (RFR) inférieur de 5 % à celui des 0,1 % les plus aisés de 2019 (588 000 euros en 2020 versus 630 000 euros en 2019). 86 % de cet écart s’explique par des montants de plus-values mobilières inférieures (46 % de l’écart pour les plus-values de droit commun, 40 % pour les plus-values avec abattement renforcé). Les autres catégories de revenu du capital (intérêts, dividendes), les revenus fonciers et les autres revenus non salariaux ont également contribué à la baisse des revenus des 0,1 % des foyers les plus aisés, mais dans une proportion plus faible. On note que le revenu moyen des 0,1 % les plus aisés de 2020 reste supérieur de 8,5 % au niveau observé en 2017 en euros constants.

Au sein des 1 % les plus riches, et à l’exclusion des 0,1 % les plus aisés, l’évolution des revenus du capital éligibles au PFU n’a eu qu’un impact marginal sur l’évolution du revenu.

Graphique 3 – Décomposition comptable de l’évolution entre 2019 et 2020
des revenus déclarés par les foyers les plus aisés

PDV - Gros dividendes - Graphique 3
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Note : les foyers fiscaux sont classés selon le montant de RFR par part fiscale, chaque groupe de revenu contient le même nombre de parts fiscales.

Lecture : le RFR des 0,1 % des foyers les plus aisés de 2020 (soit 39 000 foyers environ) est inférieur de 5 % de celui des 0,1 % les plus aisés de 2019. 46 % de cette baisse est due à l’évolution des plus-values mobilières de droit commun.

Source : calculs de l’auteur à partir des données POTE 2019 et 2020 de la DGFiP

4.  Les revenus du capital éligibles au PFU constituent plus de la moitié des revenus des 0,1 % les plus aisés

En dépit du repli des plus-values mobilières, les revenus du capital éligibles au PFU constituent toujours plus de la moitié des revenus déclarés par les 0,1 % les plus aisés en 2020. La part des revenus éligibles au PFU est de dix points plus élevée en 2020 par rapport à 2017 (voir graphique 4). Pour les autres catégories de revenu au sein du 1 % les plus aisés, la part des revenus éligibles au PFU est comprise entre 7 % à 25 %. En 2020, cette part s’est maintenue au niveau record de 2019.

Graphique 4 – Part des revenus du capital soumis au PFU dans le revenu total
au sein des 1 % des foyers les plus aisés

PDV - Gros dividendes - Graphique 4
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5.  Le taux d’imposition des hauts revenus est stable en 2020 par rapport à 2019

Le taux d’imposition moyen des foyers les plus aisés au titre de l’impôt sur le revenu a augmenté légèrement en 2020 par rapport à 2019, de l’ordre d’un demi-point (voir graphique 5).

Comparé à 2017, dernière année d’imposition des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu, le taux d’imposition à l’IR des derniers fractiles des foyers est en baisse en 2020, et ce d’autant plus qu’on s’élève dans l’échelle des revenus. Pour les 0,1 % des foyers les plus aisés, le taux d’imposition a baissé de 4,5 points entre ces deux dates.

En 2020, le taux d’imposition des hauts revenus au titre de l’IR se situe toujours à un niveau supérieur à celui observé juste avant la barémisation des revenus du capital en 2012. La hausse est plus nette encore si l’on tient compte des hausses de prélèvements sociaux sur les revenus du capital mises en place entre 2011 et 2019 (+2,5 points d’impôt pour les 0,1 % les plus aisés).

Graphique 5 – Évolution du taux d’imposition au titre de l’IR selon le niveau de revenu

PDV - Gros dividendes et plus-values - Graphique 5
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Note : les foyers sont classés selon le RFR par part, chaque groupe de revenu contient le même nombre de parts fiscales.

Lecture : le taux d’imposition moyen des 0,1 % des foyers les plus aisés en 2020 s’élève à 21,3 % ; la hausse de taux de prélèvements sociaux sur les revenus soumis au PFU entre 2011 et 2020 représente 2,6 points de RFR en 2020.

Source : calculs de l’auteur à partir des données POTE 2011, 2017, 2019 et 2020 de la DGFiP

Les opinions exprimées dans ces documents engagent leurs auteurs
et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement


[1] Selon l’Insee, le revenu des ménages a augmenté de 0,4 % en 2020, alors que le PIB a chuté de 7,9 % cette même année. Voir Cochard A. et Cuvilliez J. (2021), « En 2020, la consommation des ménages chute, tandis que le pouvoir d’achat résiste », Insee Première, n° 1864, juin.
[2] Les bénéfices industriels et commerciaux ont baissé de 7,6 % entre 2019 et 2020, les salaires et traitements ont augmenté de 2,4 %. Voir Loiseau R. (2022), « L’impôt sur les revenus perçus en 2020 », DGFiP Statistiques, n° 7, mai.
[3] Tous les dividendes, intérêts et plus-values perçus par les ménages ne sont pas éligibles au PFU (dividendes des sociétés soumises à l’IR ; dividendes, intérêts et plus-values versés sur PEA et contrats d’assurance-vie). À titre d’exemple, les dividendes reçus par les ménages hors champ PFU représentaient 16 milliards d’euros en 2016 et 2017 et 16,7 milliards d’euros en moyenne entre 2018 et 2020, avec un pic à 18 milliards d’euros en 2019 (source : calculs de l’auteur à partir des données de comptabilité nationale).
[4] France Stratégie (2020), Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital – Deuxième rapport, octobre ; France Stratégie (2021), Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital – Troisième rapport, octobre.
[5] Certaines plus-values mobilières font l’objet d’abattement renforcé pour durée de détention ou lors d’une cession à la retraite du dirigeant. Une partie de ces plus-values n’est pas éligible au PFU, mais déclarée au barème de l’impôt sur le revenu.
[6] France Stratégie (2021), Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital – Troisième rapportop. cit.
[7] Ce qui ne signifie pas évidemment qu’il n’y a pas eu d’autre foyers dont les dividendes ont augmenté, ces augmentations ayant pu être compensées par des baisses.
[8] Ces 39 000 foyers étant renouvelés en partie d’une année sur l’autre.

Auteurs

Clément Dherbecourt
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Clément
Dherbécourt
Anciens auteurs de France Stratégie