Salle de conférences DGFIP Île-de-France
Auditorium, site de Saint-Sulpice
71 rue Bonaparte - 75006 PARIS
La France est marquée par un faible taux de croissance depuis la crise économique de 2008 et sa dette publique a atteint un niveau sans précédent (96 % du PIB en 2015)[1]. Ainsi que le souligne la note de France stratégie, 2017-2027 : Dette, déficit et dépenses publiques : quelles orientations ?, si elle entend réduire significativement l’endettement public, la France devra dans les dix ans à venir conduire un ajustement supplémentaire du solde public, compris entre 2 et 4 points de PIB.
Cette même note pose de plus la question de l’ampleur des investissements dans un futur proche : faut-il profiter de la faiblesse prolongée des taux d’intérêt pour emprunter et investir, ce qui favoriserait un effet de relance de l’économie ? En effet, le niveau extrêmement bas des taux d’intérêt offre une aubaine exceptionnelle qui peut être mise à profit pour réaliser des investissements publics prioritaires et renforcer la croissance potentielle[2].
En Europe, le plan Juncker mis en œuvre depuis 2015 tente de relancer l’investissement sans augmenter la dépense publique en redéployant les crédits publics européens vers des mécanismes de garantie dont l’effet de levier serait nettement supérieur à celui des subventions. Ce plan d'une mise initiale de 21 milliards d'euros, dont 16 tirés du budget de l’Union européenne et 5 milliards de la BEI, a prévu de mobiliser au total 315 milliards d'euros d'investissements européens et nationaux, publics et privés sur trois ans entre 2015 et 2017.
Dans ce contexte, ce colloque s’interrogera sur les critères de choix des projets qui doivent s’inscrire dans une procédure de sélection rigoureuse et permettre de retenir les investissements les plus utiles au regard des besoins de la collectivité.
Depuis 2012[3], la loi a instauré, pour tous les projets d’investissements civils financés par l’État, ses établissements publics, les établissements publics de santé ou les structures de coopération sanitaire, une exigence d’évaluation socioéconomique[4] préalable. En chiffrant les coûts et les avantages que peuvent induire les investissements publics, l’évaluation socioéconomique apporte en effet un éclairage essentiel aux décideurs publics. Elle permet de mesurer la rentabilité économique et sociale d’un investissement pour la société dans son ensemble. Elle intègre ainsi, au-delà des aspects financiers, des préoccupations relatives à l’environnement, au bien-être, à la soutenabilité. Lorsque le financement de l’État, de ses établissements publics, ou des établissements de santé, dépasse 20 M€ HT, l’évaluation socioéconomique doit notamment présenter des indicateurs socioéconomiques et une cartographie des risques[5]. Lorsque le financement public dépasse 100 M€ HT, l’évaluation socioéconomique du projet fait l’objet d’une contre-expertise du CGI (Commissariat Général à l’Investissement).
La question des indicateurs à retenir pour rendre compte les résultats de l’évaluation socioéconomique et éclairer la décision publique a fait de tout temps l’objet de débats, notamment entre les partisans d’un indicateur socioéconomique unique (VAN SE[6], VAN SE par euro public investi ou TRI SE[7] sont parmi les plus cités) et les tenants d’une échelle multicritères qui permet de rendre compte de la complexité d’un projet et de répondre ainsi aux préoccupations des politiques.
Les méthodes de choix des critères à retenir peuvent être variées :
- en 2006, le CEREMA a publié une grille[8] de prise en compte du développement durable dans un projet (RST02). Elle comprend 7 dimensions et 29 critères déclinés en 78 questions ;
- en 2013, la Commission Mobilité 21, chargée de choisir les projets de transport à réaliser jusqu’en 2030, a hiérarchisé les projets à l’aide d’une évaluation multicritère non pondérée reposant sur quatre thèmes : la contribution aux grands objectifs de la politique des transports, les performances écologique, sociétale et socioéconomique ;
- en 2015, dans le cadre de la loi relative à la prise en compte de « nouveaux indicateurs de richesse » dans la définition des politiques publiques, le gouvernement a adopté une liste de 10 indicateurs[9] complémentaires au PIB, destinés à mieux mesurer l’état et le développement de la France dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales. Ces indicateurs doivent désormais être pris en compte dans la définition des politiques publiques. Ils pourraient également être utilisés pour évaluer les projets d’investissement public.
Commet sélectionner les projets d’investissement public en particulier dans les secteurs dans lesquels l’évaluation socioéconomique ne trouve pas encore sa place ? Quels projets retenir si l’on voulait profiter de la faiblesse des taux d’intérêt pour relancer l’investissement ? Quels critères ou indicateurs retenir pour effectuer de tels choix dans la pratique ? Quels sont les indicateurs utiles pour les décideurs publics ? Comment articuler ces critères dans un contexte de relance qui pourrait être européen ? En effet, le plan Juncker recherche des projets à forte valeur ajoutée compatibles avec les politiques de l’Union (objectifs de croissance intelligente, durable et inclusive, de création d’emplois de qualité et de cohésion économique sociale et territoriale), permettant de créer des bénéfices socioéconomiques élevés et pouvant être mis en œuvre rapidement.
Le colloque du 14 décembre 2016 abordera :
- le contexte économique dans lequel s'inscrit la sélection des projets d'investissements publics,
- les processus de sélection multisectoriels,
- les référentiels opérationnels dans plusieurs secteurs (hôpitaux, immobilier universitaire, infrastructures de transports).
La table ronde finale s’interrogera sur les critères de sélection des projets et sur les indicateurs utiles pour les décideurs publics.
Ce cinquième colloque est consacré à la sélection des projets d'investissement public
PROGRAMME
Sous la présidence de Roger Guesnerie, professeur au Collège de France,
13h30-14h00 : Accueil café
14h00-14h30 : Introduction
- Roger Guesnerie, professeur au Collège de France et président honoraire de Paris School of Economics
- Anne Marie Levraut, vice-présidente du conseil général à l’environnement et au développement durable
- Jean-Yves Raude, délégué du directeur général des finances publiques pour l’interrégion Île-de-France
14h30-14h45 : Ouverture par Jean Pisani-Ferry, commissaire général, France Stratégie
- Le contexte dans lequel s'inscrit la sélection des projets d'investissements publics : endettement public, ralentissement/investissement/relance économique
- Une obligation de choix et une programmation à réaliser sur le MT
14h45-15h45 : Qu'attendre des processus de sélection multisectoriels et quels indicateurs retenir ?
- Rappel du calcul socioéconomique par Roger Guesnerie
- L’emploi des multicritères par la commission Mobilité 21 : Yves Crozet, professeur d’économie à l’Université de Lyon (Institut d’études politiques) et membre du Laboratoire aménagement économie transports (LAET)
- L’évaluation au CGDD (Commissariat général au développement durable) : Xavier Bonnet, chef du service de l'économie, de l'évaluation et de l'intégration du développement durable, CGDD
- Les pratiques européennes : quels critères de choix pour les projets retenus par le plan Juncker ? Laurent Ménard, directeur de la stratégie de l’investissement et du financement européen, CGI
- Les indicateurs mis en avant dans les évaluations socioéconomiques des projets : Sylviane Gastaldo, directrice de programme évaluation des investissements publics, CGI
15h45-16h00 : Pause
16h00-17h00 : Les référentiels opérationnels dans plusieurs secteurs
- Le référentiel pour projets hôpitaux dans les ARS (Agence régionale de santé) et au niveau national : Anne-Marie Armanteras de Saxcé, directrice générale de l'offre de soins (DGOS)
- Le référentiel pour les très grandes infrastructures de recherche (TGIR) : Christian Chardonnet, conseiller Infrastructures de Recherche auprès du directeur général Recherche et Innovation (DGIR), chef du département des Grandes Infrastructures de Recherche
- Les fiches-outil et le référentiel MEEM pour les projets de transport : Michel Massoni, collège économie et financement, CGEDD
- La sélection des projets financés par la dotation Campus : Jean-François Clerc, Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP)
17h00-18h00 : Table ronde : « Quels sont les indicateurs utiles pour les décideurs publics ? »
- Président de la table ronde : Roger Guesnerie, professeur au Collège de France et président honoraire de Paris School of Economics
- Michel Houdebine, chef économiste, DG Trésor
- Philippe Duron, député, président de l’AFITF (agence de financement des infrastructures de transport de France)
- Fabienne Keller, sénatrice, vice-présidente de la commission des finances du Sénat
- Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement
18h00 – 18h15 : Conclusion par Roger Guesnerie
Sous la présidence de Roger Guesnerie, professeur au Collège de France
et président honoraire de Paris School of Economic
[1] https://strategie-prod-renew.ext.ssl-gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/17-27-finances_publiques_web.pdf
[2] https://www.project-syndicate.org/commentary/new-fiscal-reality-favors-public-investment-by-jean-pisani-ferry-2016-11/french
[3] Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017
[4] L’évaluation socioéconomique, dans un souci de l’intérêt général, cherche à identifier les effets d’un projet sur l’ensemble des acteurs impactés, tente de les quantifier et de les monétariser dans la mesure du possible.
[5] Décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d’évaluation des investissements publics.
[6] Valeur actualisée nette socioéconomique
[7] Taux de rentabilité interne socioéconomique
[8] http://www.territoires-haute-normandie.net/iso_album/guide_utilisation_grille_rst02.pdf. Les 7 dimensions de la grille sont gouvernance et démocratie participative, dimension sociale, interface équitable, dimension économique, interface viable, dimension environnementale et interface vivable. Les réponses qualitatives à une question sont 5 échelles : mal pris en compte, non pris en compte, moyennement pris en compte, assez bien pris en compte, bien pris en compte.
[9] Les dix indicateurs sont : taux d’emploi, effort de recherche, taux de pauvreté en conditions de vie, empreinte carbone, espérance de vie en bonne santé, dette des agents économiques, taux de sortie précoce du système scolaire, écarts de revenus entre les 20% les plus aisés et les 20 % les plus pauvres, taux d’artificialisation des sols, satisfaction de la vie. Le deuxième rapport annuel de suivi (« Les nouveaux indicateurs de richesse ») a été publié par le Gouvernement en octobre 2016.