Introduction : constats et objectifs
Depuis 25 ans, les pays européens ont mis en oeuvre de nombreuses réformes visant à faciliter l’usage de contrats de travail temporaires, mais sans modifier significativement la protection des emplois permanents. Ce phénomène est illustré par la figure 1, qui représente l’évolution de la rigueur de la protection des emplois temporaires et permanents mesurée par les indices de l’OCDE dans les pays européens. Durant les années 1990, la réglementation de l’usage des emplois temporaires s’est fortement flexibilisée. En revanche, la protection des emplois permanents s’est à peine infléchie. La France s’inscrit dans ce mouvement, qui a abouti à une forte segmentation du marché du travail, avec un marché pour les emplois temporaires, réservé en priorité aux jeunes, aux femmes, aux immigrés et aux travailleurs les moins qualifiés, et un marché pour les emplois permanents, réservés en priorité aux salariés les plus qualifiés, bénéficiant d’une bonne expérience professionnelle.
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Dans ce contexte, les emplois temporaires servent de variable d’ajustement, et ce sont les populations les plus fragiles qui sont systématiquement les plus touchées par les récessions. Pour les individus les moins qualifiés la précarité de l’emploi a souvent un caractère durable : les travaux empiriques sur le sujet montrent en effet que le taux de transformation des CDD en CDI s’accroît avec le niveau de qualification1. Cette précarité génère en outre des difficultés sociales de tous ordres (notamment des accès plus faibles au logement, aux soins, à la formation professionnelle, etc.), jusqu’à l’exclusion.
La segmentation du marché du travail entre emplois temporaires et permanents ne pose pas que des problèmes d’équité. Elle est aussi synonyme d’inefficacité à plusieurs titres. Premièrement, elle se traduit par un excès de rotation de la main-d’œuvre, car les entreprises évitent de transformer les emplois temporaires en emplois permanents lorsque les coûts de séparation avec l’employé sont différents. Par conséquent, les salariés en emploi temporaire, qui restent un temps limité dans l’entreprise, bénéficient moins souvent de programmes de formation professionnelle et ont plus de difficulté à construire leur carrière professionnelle. Ce constat est renforcé, en France, par les lacunes de l’appareil de formation professionnelle qu’il est nécessaire de réformer pour en réduire l’inefficacité, et pour limiter les inégalités d’accès à la formation.
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