L’artificialisation des sols désigne l’ensemble des processus conduisant à une perte d’espaces naturels, agricoles ou forestiers (ENAF). Parkings goudronnés, entrepôts, bâtiments, routes, réseaux ferroviaires… il n’existe pas une artificialisation, mais bien des processus multiples, avec des impacts différents sur l’environnement. En France, d’après les données du cadastre, 3,5 millions d’hectares sont aujourd’hui artificialisés, ce qui représente 6,3 % du territoire métropolitain, une part plus élevée que chez nos principaux voisins, quand on la rapporte à la densité de population. Chaque année, cela représente 20 000 hectares supplémentaires de terres artificialisées.
Les facteurs qui accélèrent l’artificialisation
Le facteur démographique joue un rôle important mais partiel, la dynamique d’artificialisation se révélant plus rapide que la croissance de la population. La préférence des Français pour l’habitat individuel, qui les conduit à s’installer toujours plus loin des centres-villes et qui implique le déploiement d’infrastructures de transport, contribue également à cette dynamique. S’y ajoutent les stratégies d’installation des entreprises en périphérie des pôles urbains, pour bénéficier d’un foncier moins cher. Enfin, les politiques de soutien au logement neuf peuvent aussi inciter à l’étalement urbain.
Trois scénarios pour l’avenir
- Si aucune mesure n’est prise, l’artificialisation se poursuivra sur un rythme proche de 20 000 hectares par an. Au total, 280 000 hectares supplémentaires, soit plus que la superficie des Yvelines, seraient artificialisés d’ici 2030, selon un scénario tendanciel.
- La mise en place de mesures visant à la fois à densifier légèrement les zones déjà construites et à doubler le coefficient d’occupation des sols des constructions réalisées sur des zones non artificialisées permettrait de diminuer fortement l’artificialisation, sans diminuer la construction. À horizon 2030, un tel scénario de « densification forte » permettrait d’économiser annuellement près de 15 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers.
- Enfin, si à ces mesures s’ajoutaient une politique de renchérissement des terres libres et de diminution des logements vacants, l’économie annuelle à horizon 2030 d’espaces naturels, agricoles et forestiers pourrait atteindre un peu plus de 16 000 hectares. Ce dernier scénario « complémentaire » est néanmoins peu envisageable.
En affichant un objectif de zéro artificialisation nette des sols, la France apparaît pionnière en Europe. Pour y parvenir, il faut d’abord améliorer la connaissance sur les dynamiques d’artificialisation, en se dotant d’une base de données annuelle exhaustive sur l’usage des sols, et mener des études pour évaluer les coûts et le potentiel des projets de renaturation. Il est ensuite nécessaire de réfléchir à l’ajustement des outils fiscaux et réglementaires, qui sont susceptibles d’avoir un effet de grande ampleur. Les pistes les plus prometteuses consistent à introduire dans les plans locaux d’urbanisme un coefficient d’occupation des sols minimal et à fixer une part minimale de nouvelles constructions à réaliser sur des zones déjà artificialisées. On doit aussi envisager le recentrage des dispositifs Pinel et du prêt à taux zéro sur ces zones déjà artificialisées, afin de limiter l’incitation à l’artificialisation que peuvent avoir ces dispositifs conçus pour encourager la construction neuve ou faciliter l’accession à la propriété. La mise en cohérence des instruments de planification – entre eux et avec l’objectif de zéro artificialisation nette – nécessitera de disposer d’une gouvernance dédiée, à différentes échelles territoriales. Enfin, il convient d’étudier les mécanismes permettant de conditionner l’artificialisation des sols à une renaturation équivalente – marchés de droit à artificialiser ou malus sur l’artificialisation pour financer la renaturation.