Pourquoi la relance qui s’annonce ne doit en aucun cas occulter l'urgence environnementale ?
Les leçons de la crise du Covid 19
Un nouveau référentiel public est possible : Olivier Fontan, directeur exécutif du Haut Conseil pour le climat (HCC), met en lumière les similarités entre les deux grandes crises globales que sont la pandémie et le changement climatique, notamment « la difficulté pour les sociétés et aussi leurs gouvernants à imaginer l’ampleur de la menace et à la prendre au sérieux ». Cette crise sanitaire nous permet toutefois de constater qu’il est « politiquement possible de dessiner un nouveau référentiel d’action publique », ce qui constitue un enseignement pour la crise climatique.
Un surendettement global : Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic, souligne que la crise du Covid-19 a révélé que nous sommes dans une situation de surendettement global au sens propre du terme (320 % du PIB mondial à la fin de l’année 2019), mais aussi de « surendettement total vis-à-vis du capital naturel » et de « surendettement social ».
La non résilience du modèle actuel : Anne-Catherine Husson-Traore précise que la crise sanitaire nous a démontré, au-delà de tout débat idéologique, que le modèle actuel dominant n’est pas résilient face à cette crise sanitaire ou à celles à venir. Dès lors, il s’agit, d’une part, de bien comprendre pourquoi ce modèle n’est pas résilient et, d’autre part, comment réorienter les plans de relance et les investissements vers des modèles plus solides. De même, Nathalie Lhayani, directrice de la politique durable du groupe Caisse des dépôts et consignations (CDC), insiste sur la nécessité de garder à l’esprit que la viabilité économique de ces entreprises dépend de leur capacité à s’adapter à un monde où il faut être plus résilient.
Que faire face à ces constats ?
Ne pas reproduire les erreurs de 2008 : Face à ces constats, il apparaît aux yeux des intervenants qu’il ne faut pas reproduire les erreurs des plans de relance de 2008, notamment, comme le précise dans ses conclusions le HCC, au travers de mesures « grises » au détriment des parties climat et environnement trop peu financées. Le vrai danger serait, selon Nathalie Lhayani, de retourner à une situation de “business as usual”.
Sortir de la dichotomie rentabilité et enjeux de développement durable : Anne-Catherine Husson-Traore, note que ce n’est pas parce qu’on observe un retour financier sur un exercice donné, qu’un investissement est rentable à plus long terme. La rentabilité des investissements dans des modèles qui s’effondrent est fortement remise en question.
Mettre en place des changements structurels : Olivier Fontan explique que la baisse brutale et temporaire des émissions de gaz à effet de serre, de l’ordre de 30 % lors du confinement, n’est pas souhaitable car elle n’est pas durable : des changements structurels sont donc nécessaires. Pour ce faire, le rapport spécial du HCC recommande notamment de tirer les enseignements de la crise en termes de vulnérabilités, de résilience ; d’intégrer l’urgence climatique à la sortie de crise en valorisant par exemple la méthodologie du budget vert ; d’opérer une relance verte ne verrouillant pas l’économie dans des trajectoires carbonées et privilégiant la décarbonation (par exemple: investissements vers l’efficacité énergétique et les infrastructures bas-carbone) ; de conditionner des mesures budgétaires et fiscales à l’adoption de plans d’investissement et de perspectives compatibles avec la trajectoire bas-carbone.
Opérer une transition juste : Olivier Fontan souligne que la transition écologique doit porter une attention toute particulière aux vulnérabilités et à l’accroissement des inégalités qui « rendent les individus et donc par conséquent la société beaucoup plus sensibles aux chocs externes qu’ils soient climatiques ou sanitaires ».
Accompagner les entreprises dans une stratégie plus résiliente : Pour Nathalie Lhayani, l’accompagnement des entreprises doit se faire en plusieurs temps. Si à très court-terme, il faut se préoccuper des problèmes de trésorerie et du chômage partiel, il faut dans un deuxième temps se questionner sur les contreparties qui peuvent être exigées des entreprises qui vont être soutenues (automobile, transport aérien), et les accompagner dans une stratégie plus résiliente et soutenable à long terme, notamment sur la base des scénarios et méthodologie de l’ADEME (trajectoires ACT construites avec les entreprises des secteurs concernés à l’échelle internationale), en fonction de leur secteur. Dans un troisième temps, une relance keynésienne serait bénéfique et constituerait le moment de préparer ce que les économistes nomment la phase de « destruction créatrice » à la fin des cycles de crise et restructurer les activités très polluantes. Anne Catherine Husson-Traore, souligne que la nécessaire transformation du modèle économique est particulièrement vraie pour le secteur automobile, déjà en difficulté avant la crise, qui peine à s’adapter à des changements rapides. Une des pistes, selon Olivier Fontan, pour répondre à ces enjeux est de favoriser la formation et la reconversion professionnelles, en maximisant les investissements vers les secteurs de la transition les plus créateurs d’emplois, comme par exemple celui de la rénovation énergétique des bâtiments qui permet de plus de réduire la précarité énergétique de nombreux foyers.
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